Réalisé par Santiago Esteves. Argentine. Drame. 1h36 (Sortie le 22 novembre 2017). Avec Matías Encinas, Germán De Silva, Walter Jakob, Esteban Lamothe, Jorge Prado, Mario Jara, Elena Schnell et Martin Arroyo.
D'ordinaire, les films argentins distribués en France ont toujours une résonance historique, reviennent sur la longue période de la dictature militaire ou sur la crise économique qui a ruiné le pays dans les années 2000.
"La educacion del rey" de Santiago Esteves a un propos apparemment beaucoup plus modeste et se veut un "thriller" très ancré dans le quotidien, que l'on hésite même à qualifier de "thriller social".
Et pourtant, la mésaventure de Reynaldo, jeune candide qui participe à un cambriolage avec son grand frère et un ami de celui-ci, plonge une nouvelle fois le spectateur au cœur de la réalité argentine. Et, pour une fois, sans avoir besoin de la présence de Ricardo Darin !
Comme il est maigre (on le surnomme "el flaco"), Reynaldo doit jouer les monte-en-l'air pour pénétrer dans une maison. Ce coup facile qui sera son premier, il accepte, parce qu'il est à la rue en délicatesse avec sa mère qui l'élève seule.
Mais, les choses autrement que prévues. Même s'il s'empare du magot, il doit fuir par les toits... et tombe parmi les plantes du couple Vargas. Au lieu de le dénoncer, Carlos et Elena vont "l'éduquer", tenter de lui redonner goût à la vie.
Dans "La educacion del rey", s'opposent deux visions de l'Argentine. Celle au goût du jour, inquiétante, répressive, méchante. De l'autre, un Argentine qui croit encore à la solidarité, qui ne voit pas dans un jeune garçon perdu un monstre à enfermer.
Carlos Vargas n'a pourtant pas le profil du bon samaritain. Champion de tir, ancien convoyeur de fond, il sait ce que la violence veut dire. Il ne porte pas dans son cœur une police fortement corrompue (comme on le verra largement dans le film). Pour l'aider à "éduquer" Reynaldo, il a tout un réseau de gens qu'il sait dans la police et ailleurs intègres ou obligés de l'être.
"La educacion del rey" de Santiago Esteves, derrière son récit très simple qui en fait un très bon polar linéaire, est une métaphore d'un pays toujours malade, où les braves gens doivent agir dans l'ombre, les pourris étant dans la lumière.
Le personnage de Carlos, porté par un acteur magnifique (German De Silva), est plein de mystère et pas du tout équivoque. S'il fait l'éducation d'un "roi" ("rey" diminutif de Reynaldo signifiant "roi"), c'est en lui apprenant non seulement à tirer pour se défendre, mais aussi à découvrir que la société est complexe et qu'il s'agit surtout de bien savoir à qui faire confiance.
Plaisant, bien joué, plus tortueux qu'il n'y paraît, "La Educacion del Rey" de Santiago Esteves est une vraie réussite. On sent qu'il appartient désormais à une cinématographie qui ne cherche pas à faire simplement à faire quelques films marquants ou prestigieux, mais veut multiplier les occasions de raconter un pays toujours bien vivant malgré la crise existentielle endémique qu'il traverse. |