Réalisé par Zhang Tao. France. Comédie dramatique. 1h43 (Sortie le 3 janvier 2018). Avec Yu Fengyuan, Li Fengyun, Chen Shilan, Pan Yun, Ruan Fengming et Zhang Jun.
Ça pourrait commencer comme un documentaire de Wang Bing sur la Chine profonde en train de disparaître et ayant choisi comme sujet métaphorique les derniers jours pénibles d'une vieille dame qui ne peut plus vivre seule chez elle et qui encombre ses enfants parce qu'elle attend en vain une place dans l'hospice de la petite ville où elle survit...
Mais "Le rire de Madame Lin" de Zhang Tao, qui signe ici un premier film maîtrisé plein de promesses, est une fiction très sombre et pas drôle pour un sou malgré son titre trompeur. Si Madame Lin rit "jaune", c'est purement mécanique, tellement sa situation et celle de ses enfants n'ont aucune raison d'être traitées en comédie.
On se rappelle le couple de vieux parents japonais balloté chez des enfants plutôt à l'aise dans "Voyage à Tokyo". Dans ce film chinois, le mot "balloté" devrait être biffé et vite remplacé par "trimballé".
Cette mère courage, qui raconte à sa petite fille comment elle a élevé toute seule ses enfants après le départ de son mari qui lui a fait le coup des cigarettes et n'est jamais revenu, récolte donc l'ingratitude, cette complice obligé et sordide de la misère.
Qu'Ils soient tout petits commerçants, paysans pauvres ou maître d'école, ses enfants ne sont pas brillants et c'est peu dire que, dans, "Le rire de Madame Lin" de Zhang Tao, l'humanité chinoise sort vraiment grandie.
Mais le réalisateur ne juge pas pour autant cet état déplorablement sociologique des campagnes chinoises très très vaguement concernées par la croissance à deux chiffres. Ni affreux, sales et méchants, les personnages décrits sont le reflet de leur médiocre condition, pas très propice aux beaux sentiments.
Film lent et désespérant, "Le rire de Madame Lin" de Zhang Tao fait la part belle à Yu Fengyuan, l'actrice qui joue la grand-mère. Plus rieuse que silencieuse, elle va et vient dans les réduits qu'on lui concède, emportant avec elle ce Bouddha qu'elle invoque souvent et qui lui permet d'avoir une attitude stoïque devant la mort qui approche. Peu à peu, elle impose un grand respect au spectateur : cette petite femme maltraitée a la dignité d'une grande dame.
La fin du film, totalement surprenante, aurait vraiment fait rire cette mémé chinoise qu'on embrassera symboliquement en lui souhaitant une bien meilleure réincarnation... |