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puce Les oiseaux morts de l'Amérique
Christian Garcin  (Editions Actes Sud)  janvier 2018

"Un matin, après le café rituel, après qu’il fut allé pisser sur les buissons, eut averti les sauterelles et lancé quelques miettes au mulot, Hoyt retourna vers l’entrée du collecteur, pénétra dans la bouche d’ombre, se laissa assaillir par l’odeur habituelle d’eau saumâtre qui lui rappelait son enfance près de la petite rivière de Boulder Creek, et rejoignit sa couche, perchée au creux d’une anfractuosité sur la droite, une dizaine de mètres après l’entrée, juste après l’espèce de salle commune qu’ils s’étaient aménagée, Myers, McMulligan et lui, avec table, chaises, miroir, horloge, et un caddie rempli d’ustensiles divers, le tout posé sur des palettes ou des cageots en plastique en cas de montée des eaux."

Dans son nouveau livre, Les oiseaux morts de l’Amérique, qui vient de sortir chez Actes Sud, Christian Garcin nous embarque aux Etats-Unis, dans la ville de tous les rêves, de tous les possibles, Las Vegas. Loin des strass et des paillettes, de l’argent qui coule à flot, dans cette ville qui ne s’endort jamais, Christian Garcin nous plonge dans l’envers du décor de la cité du Nevada.

Du centre-ville de Las Vegas jusqu’à la périphérie, des voies désertes, des no man’s land, des échangeurs autoroutiers, un réseau d’égouts et de collecteurs d’eaux de pluie qui creuse cette ville de part en part sur des centaines de kilomètres avec des tuyaux et des tunnels de plus de cinq mètres de diamètre, c’est ce monde souterrain que nous décrit l’auteur. Ce monde souterrain, en partie inexploré, est une ville bis, un envers du décor dans lequel habite une poignée d’êtres humains contraints aux marges de la société.

Parmi eux se trouvent trois vétérans qui vivotent dans une relative bonne humeur, une solidarité tacite et une convivialité minimaliste. Parmi eux, il y a Hoyt, ancien du Viêtnam, enrôlé à l’époque parmi les "rats de tunnels", ces troupes qui allait explorer l’immense réseau de galeries qui s’étendait de Saigon jusqu’à la frontière cambodgienne et à l’intérieur desquelles se trouvaient les Viêt-Cong. Pendant deux ans, il a côtoyé l’horreur, y a vu le pire, y a perdu de nombreux camarades. MacMulligan, lui, a passé trois ans en Irak, participant notamment à la traque du terroriste ayant organise la décapitation filmée d’un otage américain. Il a vu de nombreux soldats mourir, a tué aussi beaucoup. Myers, lui, a aussi connu l’Irak, y est resté deux ans, s’occupant des stocks d’armes et gardant des prisonniers. A son retour, il avait rencontré McMulligan au sein d’une association de vétérans américains d’Irak. Sans ressource, l’un et l’autre avaient fait route ensemble, trouvaient un petit boulot à Las Vegas avant de se faire licencier et de se retrouver à la rue. Ils avaient trouvé refuge dans le collecteur 7 où se trouvait déjà Hoyt. Dans ce refuge, chacun a fait sa guerre, chacun l’a perdue et chacun trimballe son inadaptation à la vie normale. Ce sont les oubliés de l’administration, les abandonnés de l’Amérique.

Des trois personnages principaux, le livre se concentre sur celui de Hoyt qui a, sous la plume de Christian Garcin, la chance et le don (c’est lui qui le dit à ses camarades) de pouvoir voyager dans l’avenir pour pouvoir sortir de son présent et de son passé. Ces virées vers l’avenir sont l’occasion de magnifiques pages pas forcément réjouissantes sur ce que pourrait être notre avenir immédiat. Hoyt voyage aussi dans le passé, celui qu’il ne veut pas retenir. Il se retrouve propulsé dans les années 50 de son enfance, vivant avec sa mère sans savoir qui est son père, dans son adolescence ensuite faite de rencontres et de désillusions. Il se revoit au bord de la rivière jouant avec Maureen et son chiot.

Les nombreuses pages où Hoyt retourne dans son passé nous permettent de mieux appréhender l’Amérique des années 50, la guerre de Corée, les soldats qu’on envoie au sacrifice. Hoyt est un personnage incroyable, il aime la littérature, William Blake, la cosmologie et la philosophie environnementaliste, conserve et lit les ouvrages qu’il trouve. Il aime dessiner aussi, il veut dit-il dessiner le silence, que ses dessins soient conservés par ses deux camarades à sa disparition. Il lit beaucoup de poèmes aussi, dont des extraits sont présents tout au long du livre.

Vous l’avez compris, Christian Garcin a fait le choix de donner la parole aux oubliés, aux abandonnés de l’Amérique en leur rendant hommage. Il nous montre les conséquences psychologiques des guerres sur ces anciens soldats qui éprouvent de très grandes difficultés à se réinsérer dans la société. De par leurs névroses et leurs nombreuses cicatrices psychologiques, ils cherchent par différents moyens (c’est ce que fait Hoyt à travers ses voyages) à conserver un semblant d’humanité. Christian Garcin veut nous montrer que ces vétérans, ses oubliés de l’Amérique, ne sont pas fous. Ce sont justes des êtres humains, avec leurs rêves, leur gentillesse, leur fraternité et leur complicité.

Les oiseaux morts de l’Amérique est un superbe livre, marqué par une grande tristesse, merveilleusement écrit dans lequel des personnages hors du commun nous montrent, au travers de leur vécu et de façons détournées, l’imbécillité des guerres et conflits qui pullulent depuis bien trop longtemps.

 

A lire sur Froggy's Delight :
La chronique de "Travelling" de Christian Garcin & de Tanguy Viel


Jean-Louis Zuccolini         
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# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

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Du côté de la musique :

"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch
"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard
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"Le carnajazz des animaux" de Dal Sasso Big Band"
"Deep in denial" de Down To The Wire
"Eden beach club" de Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce
"Ailleurs" de Lucie Folch
"Ultrasound" de Palace
quelques clips en vrac : Pales, Sweet Needles, Soviet Suprem, Mazingo
"Songez" de Sophie Cantier
"Bella faccia" de Terestesa
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Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
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"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
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"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille
"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

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"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz
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"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
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Lecture avec :

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
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