Réalisé par Emmanuel Finkiel. France. Drame. 2h06 (Sortie le 22 janvier 2018). Avec Mélanie Thierry, Benoît Magimel, Benjamin Biolay, Shulamit, Emmanuel Bourdieu, Grégoire Leprince-Ringuet, Anne-Lise Heimburger et Patrick Lizana.
Dans l'oeuvre de Marguerite Duras, "La Douleur" tient une place à part. Ce texte autobiographique est l'un des seuls à ne pas être transformé en un matériau destiné à la "fiction". Dès lors, son adaptation pourrait être l'occasion d'un biopic consacré à la jeunesse de Mademoiselle Donnadieu.
Emmanuel Finkiel, qui a souvent navigué entre documentaire fictionné et fiction documentaire, a pris le parti de vraiment inscrire "La Douleur" dans la fiction. Il donne à voir précisément une "fiction vraie". On sait que Mélanie Thierry est Marguerite Duras et qu'elle est posée dans un Paris reconstitué à l'aide de décors très marqués et d'images de synthèse, elles aussi parfaitement identifiables.
Assumant le décalage entre un récit fort et un environnement pas tout à fait réaliste, le réalisateur se focalise avant tout sur le personnage de Duras jeune. Clope au bec, parfois en pantalon, les lèvres légèrement rosées en ces temps d'occupation où le rouge baiser est rare, Mélanie Thierry n'est pas forcément le portrait craché de la future dame au col roulé, mais elle est visiblement consciente qu'elle joue le rôle de sa vie.
"La Douleur" d'Emmanuel Finkiel n'est qu'une partie de "La Douleur" de Marguerite Duras. Est mis en avant l'épisode avec le policier, superbement incarné par Benoît Magimel, avec pour fil conducteur le destin de Robert Antelme, le mari résistant de "Madame Donnadieu", qui va connaître la prison, les camps dont il reviendra finalement dans un état terrible.
Bien entendu, le film n'a pas la force du livre puisqu'il doit montrer les choses et ne pas simplement compter sur la puissances des mots pour les évoquer, mais c'est là justement où la performance de Mélanie Thierry transcende la reconstitution.
C'est une petite chatte blessée, faussement apeurée, pleine de vie et de courage qui navigue entre drame et presque vaudeville. Coincée entre un mari prisonnier, un flic collabo et un amant (ou futur amant) qui sera le père de son seul enfant et auquel Benjamin Biolay prête ses traits de dragueur sussurant, croisant Morland qui sera plus tard Mitterrand, Mélanie-Marguertie joue un peu à "Martine chez Modiano". *
Dans ce grand livre d'images aux couleurs qui s'approchent du sépia, les cigarettes blondes se consument à longueur de plan comme un anachronisme inutile à l'époque où régnait, même pour les clients friands du marché noir. Tant pis pour la vraisemblance, "la Douleur" d'Emmanuel Finkiel s'inscrit dans la longue série des films à la française sous l'Occupation...
Ni "Grande Vadrouille", Ni "Monsieur Klein", voilà un film en plus sur ce "passé qui ne passe pas". Car on ne dira pas un "film de plus" grâce à ce casting royal et à la prestation sensible de Mélanie Thierry qui s'est aussi parfois se murer dans la dureté.
On n'oubliera pas son turban de petite mère courage ni sa pédalée dans un Paris sans voiture. |