Comédie dramatique d'Elfriede Jelinek mise en scène de Katie Mitchell, avec Jule Böwe, Cathlen Gawlich, Renato Schuch et Maik Solbachh.
"Schatten (Eurydik sagt)" signifie en allemand : "Ombre (Eurydice parle)". C'est en effet à partir du mythe d'Orphée et d'Eurydice que la dramaturge autrichienne Elfriede Jelinek, maintes fois récompensée et Prix Nobel de littérature en 2004, a écrit ce texte féministe, vu à travers le regard d'Eurydice.
Eurydice est une écrivaine, vivant dans l'ombre permanente de son mari, rock-star pour un public d'adolescentes, narcissique et peu soucieux de l'épanouissement de sa femme. Celle-ci, consciente d'avoir perdu toute sa lumière, préférera devenir ombre. Le texte magnifique d'Elfriede Jalinek peut donner lieu à de mutiples interprétations.
Sur scène, un immense plateau de cinéma. C'est la particularité de ce "Schatten", mis en scène par la britannique Katie Mitchell : on assiste en direct à la fabrication d'un film en train de se tourner. Celui-ci étant projeté au dessus de la scène.
Plusieurs décors, de nombreuses caméras et une régie installée. Une équipe technique, nombreuse également, d'une quinzaine de personnes s'affairant et se démultipliant pour passer sans coupure d'une scène à une autre, d'un plan à un autre.
Il faut dire que dans un premier temps ce dispositif, avec l'affairement des techniciens et des comédiens aux quatre coins du plateau pour tourner une scène en voiture ou dans la loge du chanteur, est passionnant à suivre.
On pense à David Lynch bien-sûr ("Mulholland drive") pour le thème et l'ambiance (il y a même un chien écrasé sorti tout droit de l'univers de ses films) et l'on est assez impressionné par la grande précision avec laquelle chacun prend sa place en quelques secondes. Tout cet aspect fonctionne remarquablement et fascine pendant une bonne moitié du spectacle.
Et puis, cet intérêt se perd. On se lasse de voir les personnages faire le parcours de la voiture au parking (superbe décor au demeurant) et du parking à la voiture. Et peut-être aussi tout simplement qu'on perd le contact avec des comédiens quelque peu désincarnés et souvent peu visibles au fond du plateau.
Cela n'empêche pas de voir que Julie Böwe (Eurydice) est absolument formidable en Eurydice dont elle montre tout le cheminement intérieur avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Une grande performance et une grande comédienne assurément.
Un objet donc un peu inégal. A voir pour l'originalité de la démarche, la virtuosité de la réalisation et pour Julie Böwe. Et pour se rendre compte également que le théâtre est irremplaçable... |