Les petites frappes reviennent. Goldfrapp, troisième acte. Parti de rien et revenu de loin, le duo d'outre-Manche a encore plus d'un tour dans la sienne.

Et publie en toute logique ce troisième album attendu au tournant par la scène électro-rock à la recherche de la nouvelle star..

De la chrysalide Felt Moutain, ses panoramas langoureux et ses musiques de films imaginaires, à Supernature, petit papillon électro collé à la boule disco, il n'y a qu'un pas. Pas de géant, réconciliant les différences, rabibochant les improbables, résultat d'un mariage entre Morricone et Cerrone. Rien de moins.

Initialement nommé Oh la la par ses créateurs, Supernature s'écrit aujourd'hui avec un point d'exclamation. Envie de surprendre, besoin d'en découdre, Alison et Will Gregory ont injecté du kérosène dans leur partition, et mis du benzédrine dans leur vin. Onze titres pour en finir avec leur réputation de Soundtrack makers, de petits prodiges modèles, élevés à l'école de Nino Rotta et Gustav Mahler.

Bonheur donc du premier titre, "Oh la la", compressé et passé à la moulinette électro, filtrant la voix minaudante d'une Alison survoltée, flirtant avec le commercial sans jamais s'y perdre. Synthés omniprésents, menés de mains de maître par Will Gregory, l'homme de l'ombre, et refrain imparable par une chanteuse plus aguicheuse que jamais. Chiens dans un jeu de quille, le duo anglais bouscule les préjugés mais semble se complaire dans ce virage électro. Au point de sans doute décevoir les premiers amoureux des débuts…

Au diable, l'émotion, place à la transpiration. "I wanna ride on a white horse" miaule Alison, et c'est une nation entière qui pourrait sur le champ s'abonner aux cours équestres tant la sexualité suinte à travers les enceintes... Mixage centré sur les infrabasses, voix au centre des débats et batteries trafiquées dans les coins, Supernature culbute l'auditeur sur "Lovely 2 u", puis vient le temps du repos sur "You never know" et "Let it take you", ramenant l'espace d'un instant aux premiers amours d'un Felt Mountain révolu.

Trente six minutes plus loin, l'auditeur finit le voyage un brin secoué par les turbulences, en se remémorant le paysage qui défilait trop vite ("Satin chic" et son piano bastringue, single évident..) et puis... Et puis l'envie soudaine de repartir pour un tour de piste.

Subtil bras d'honneur au système, Supernature, s'il déplait à certains, a du moins le mérite de dépoussiérer l'électro-chic en redonnant le plaisir de bouger nos pieds engourdis.

Disque à écouter très fort en passant l'aspirateur. En attendant la consécration imminente de Goldfrapp sur les ondes…