Monologue dramatique d'après la nouvelle éponyme de Laurent Gaudé interprété par Bruno Bernardin dans une mise en scène de Khadija El Mahdi.
Un homme parvenu au bord de la folie et fortement alcoolisé s'extirpe de son gourbi pour raconter son histoire, celle d'un destin bouleversé et d'une vie anéanti par une décision fatale qui a entraîné la destruction de l'homme et le ravage de son âme.
Celle prise dans un port africain, quand décède son capitaine en charge d'un navire négrier malouin chargé à bloc de sa cargaison humaine en partance pour les Amériques, quand il déroge à un ancestral principe maritime, celui de la mer comme sépulture traditionnelle des marins.
Ainsi, il rapatrie le corps à Saint Malo où se produit un événement dramatique, l'évasion de cing "nègres" qui, embrasant la ville, va déclencher une terrible chasse à l'homme et une battue gigantesque. Tous sont rattrapés sauf un, le dernier, peut-être un bras armé déique.
Telle est la trame de la partition monologale qui résulte de la transposition théâtrale de la nouvelle intitulée "Sang négrier" écrite par le romancier et dramaturge Laurent Gaudé qui aborde le sujet de l'esclavage non sous l'angle de la victime mais celui du bourreau mais traite également les thèmes de la culpabilité et de la violence bestiale et primitive de l'homme.
La proposition de la Compagnie Les Apicoles restitue la force de l'opus original, innervé du souffle épique caractéristique de son auteur, qui combine de manière maupassantienne trois registres, réaliste, dramatique et fantastique ce qui constitue un notable défi scénique.
Et au terme d'un magnifique travail mené avec la collaboration de Stefano Perroco di Meduna pour la scénographie sobre et esthétisante avec ses débris modulables de carcasse d'un bateau et une palette en bois, Joëlle Loucif pour le costume protéiforme et Etienne Champion pour le masque saisissant, Khadija El Mahdi, à la mise en scène, relève le défi.
Elle assure une gestion efficace du crescendo dramatique avec, au jeu, un comédien aguerri et émérite, Bruno Bernardin qui dispense une ébouriffante, puissante et exceptionnelle prestation incarnée.
En adresse au public, il entraîne immédiatement le public dans l'inexorable descente aux enfers d'un homme hagard au corps qui tangue et au regard qui chavire pour lequel la folie dame le pion à la vengeance terrestre comme à la damnation spirituelle. |