Spectacle conçu et interprété par Jacques Gamblin et Bastien Lefèvre.

Pas facile de parler d'un spectacle de Jacques Gamblin sans dire d'emblée qu'il est étonnant, voire déconcertant, qu'il est plein de l'humour pince-sans-rire de son auteur-acteur et qu'il sait toujours aller trop loin dans la direction de l'absurde pur.

Ne pas non plus oublier que l'auteur, ou plus exactement ici le co-auteur avec le danseur Bastien Lefèvre, ne peut monter sur scène sans jouer de son charme et de son élégance naturelles.

Au fond, qu'est-ce que "1 heure 23' 14" et 7 centièmes", sinon une séance d'entraînement prodigué par un "coach" (Jacques Gamblin) à son élève (Bastien Lefèvre) ?

D'ailleurs, la scénographie d'Alain Burkhart évoque une salle de gym sans agrès, une salle chaleureuse aux dimensions de la scène qui permet de venir s'entraîner et de chorégraphier sans utiliser un mot de trop tous les gestes habituels du sportif.

Dans les années 1930, bien avant ses grands films, Jacques Tati avait un numéro de music-hall, dont il tira des courts-métrages, où il s'ingéniait à reproduire les attitudes des boxeurs ou des tennismen. C'est un peu ce que recherche et reproduit Jacques Gamblin ici.

Sans trop en dire, car le spectacle est quasi muet... sauf à un moment logorrhéique (et anthologique) où il récite la litanie de tous les sports possibles, sorte d'ONU de toutes les disciplines connues et reconnues, imaginables et inimaginables.

Attention ! Gamblin et Lefebvre sont dans l'observation, mimétique ou allégorique, une observation pleine de finesse, sans lourdeur, et ne cherchent en rien l'effet comique pour l'effet comique. Certes, on s'amuse et on sourit ; mais on ne rit pas forcément ni frontalement. D'ailleurs, peut-on rire de l'elliptique et du poétique ?

Dans "1 heure 23' 14'' et 7 centièmes", les deux protagonistes tournicotent autour de la piste-scène, effectuent des mouvements en commun, où le sport et la danse ne font plus qu'un, ou bien Bastien Lefèvre est le seul à mouiller son maillot et Jacques Gamblin le contemple en "coach", en esthète de la belle ouvrage sportive.

Comme c'est à l'issue de la compétition que l'on juge le résultat final, c'est à la fin de la représentation que l'on découvre que ce spectacle empathique soulève chez son voisin de siège le même enthousiasme, la même satisfaction mentale et physique.

Oeuvre totale, presque post-moderne, "1 heure 23' 14'' et 7 centièmes" pourrait sombrer dans la suffisance, l'autisme arrogant. Ce n'est absolument pas le cas. La présence de Jacques Gamblin y fait pour beaucoup. Il réussit quelque chose d'à la fois très personnel et de très banal, sauf que sa banalité n'est pas commune, qu'elle se nourrit de tout ce qu'il a vu et de tout ce qu'il lui est venu en tête.

Humour, liberté, plaisir sont à la fête dans ce joli moment modeste et pourtant d'une ambition folle.