Réalisé par Sophie Arlot et Fabien Rabin. France. Documentaire. 1h15 (Sortie le 28 février 2018). En plein salon de l'Agriculture, à l'heure de débats sans fin sur la condition paysanne, "Trait de vie" de Sophie Arlot et Fabien Rabin est un excellent témoignage à la gloire de ceux qui souhaitent un système alternatif au productivisme prôné par Bruxelles et la FNSEA.
La question que l'on se pose, et que n'esquivent pas complètement les deux réalisateurs, empathiques avec leurs agriculteurs utopistes sans en être absolument dupes, est de savoir si le retour du cheval de trait ou de labour est un rêve écolo irréaliste ou une solution d'avenir pérenne.
Ces beaux personnages à fond dans leurs projets à contre-courant, totalement convaincus qu'ils ne sont pas en train de s'user dans un chimérique retour tempéré vers une agriculture d'antan, ne vont-ils pas finir par déchanter devant les difficultés qui les attend au coin de leurs champs, devant les aléas inhérents à l'activité agricole "primaire" ?
Bien entendu, on souhaiterait que non. Mais on les voit déjà dans le "dur" quand l'âne n'avance pas ou que leurs bricolages pour faire fonctionner des outils à traction animale ne fonctionnent pas.
Dans "Trait de vie" de Sophie Arlot et Fabien Rabin, on est devant une France parallèle, gentiment hors du modèle néo-libéral macronien, qui a triomphé après tant et tant d'épreuves à Notre-Dame-des-Landes, mais qui n'est pas au bout de ses combats pour vaincre une agriculture prédatrice en énergie et vorace en produits chimiques.
Sans qu'elle soit caricaturée comme souvent, on découvre une ruralité "bobo" où derrière chaque agriculteur se lit une histoire personnelle parfaitement improbable. Ces néo-paysans auront-ils la force de leur conviction ? Sauront-ils restés là où les "vrais" paysans, qui ont préféré le "formica et le ciné", ont déserté ?
Devant ses gros dadas magnifiques, exhibant leur belle lourdeur et leur vaillance pour arracher les racines des arbres qui empoisonnaient les zones humides laissées à l'abandon par l'exode rural, on ne peut qu'espérer.
Espérer et être admiratif devant ceux qui apprennent à les diriger, devant ces gens qui ont sacrifié leur vie "facile" avec des boulots qui leur laissaient du temps libre pour s'adonner presque jour et nuit à une tâche harassante...
Pourtant, on perdra toute mesure et l'on restera bouche bée quand arrivera la dernière scène de "Trait de vie" de Sophie Arlot et Fabien Rabin... En effet, ces sept chevaux de trait qui doivent ensemble peser plusieurs tonnes et qui tirent une charrue, inventée par un néo agriculteur imaginatif pour faire le travail d'une armada de tracteurs, ne fournissent-ils pas une image bien plus spectaculaire et cinématographique que le char rutilant de Ben-Hur ? |