Comédie de Guy Zilberstein, mise en scène de Anne Kessler, avec Serge Bagdassarian, Pierre Hancisse et Anne Kessler.
Avec "Coupes sombres", Guy Zilberstein propose une mise en abime invitant le spectateur à entrer dans les coulisses pour découvrir la "cuisine" théâtrale avec un opus s'inscrit dans le genre de la satire du théâtre post-moderne.
En effet, il vise une des novations affectant le théâtre post-moderne, celle tenant à ce que le metteur en scène, qui ne contente plus d'être un simple régisseur d'acteurs, opère une adaptation de la partition pouvant aller jusqu'à sa défiguration totale, comme les acteurs, qui refusent la qualité d'interprète, s'érigent en créateurs.
Cela étant, il prend pour cible une situation très particulière, et intrinsèquement propice à la caricature, celle d'une pièce absconse d'une durée-fleuve avec pléthore de personnages montée dans le théâtre subventionné.
L'opus consiste donc en la confrontation entre une metteuse en scène qui veut apporter des modifications au texte originel, non pas tant pour étayer sa "vision" de la pièce, encore qu'elle en critique la lourdeur du style et l'indigence dramaturgique, que pour composer avec les egos et les forces revendicatrices des différents corps de métiers du théâtre, de la créativité du scénographe au refus du comédien de dire certaines répliques, et un auteur imbu de sa notoriété internationale et de son attachement au théâtre non de représentation mais de reconstitution.
Durant à peine une heure en incluant les intermèdes pseudo-comiques consistant en une métaphore sylvicole dispensés par un pseudo-bucheron (Pierre Hancisse) et la récitation d'une fable ad hoc - "La mort du bûcheron" - de La Fontaine, cet impromptu qui pourrait virer au pugilat jubilatoire se déroule en forme de marivaudage professionnel de bon ton prêtant à sourire avec, pour piques les plus saillantes, les épithètes de "scribouillard" et de "canaille" et, naturellement, un hypocrite happy end de rigueur s'agissant du petit monde de la grande famille des théâtreux.
Face à Anne Kessler, manifestement "hors du jeu" ce soir-là, Serge Bagdassrian dispense une prestation magistrale en usant de la démesure d'une diva sacrificielle pour camper un archétype de l'outrecuidance scripturale. |