Dirk Kurbjuweit est rédacteur en chef adjoint au journal Spiegel depuis 1999, partageant son temps entre Hambourg et Berlin. Déjà auteur de sept romans dont Deux sans barreur, il vient de publier un livre au titre évocateur, Peur, publié aux éditions Delcourt.

Peur est un livre captivant et épatant, à la hauteur de sa couverture qui est vraiment une réussite. Le livre va à contre-courant des polars classiques car il nous dévoile dès les premières pages l’assassinat d’un voisin par le paternel du narrateur. Le tueur est en prison, jugé coupable d’un homicide et nul mystère ne semble apparaître.

Gros risque donc ! Ben oui, c’est quoi ce livre où l’on sait déjà qui est le meurtrier ? De quoi va traiter le livre du coup ? Il est où le suspens ? Le lecteur peut avoir l’envie de lâcher le livre. Sauf que l’auteur est malin ! Très rapidement, le narrateur nous annonce qu’il n’est pas vraiment innocent dans ce meurtre, qu’il aurait pu l’éviter et qu’il ne l’a pas fait. D’un coup, on a alors envie de continuer ce livre. L’envie de comprendre cette affaire nous envahit.

On a alors envie de savoir le pourquoi du comment, envie de savoir comment un homme a pu en arriver à tuer son voisin. L’auteur va alors nous faire revenir en ailleurs, on va découvrir la vie du narrateur à travers son passé, son enfance et sa famille. On va aussi se retrouver quelque temps avant le meurtre, on va revivre de manière très intense les instants qui ont précédé l’homicide. Le narrateur est un architecte berlinois, heureux dans son travail et son mariage, parent comblé.

On découvre un voisin de plus en plus étrange au fil du livre. Le narrateur nous informe sur les agissements suspects de son voisin de telle manière qu’il arrive à nous faire rentrer dans son histoire, nous menant même a nous interroger sur la façon dont on aurait nous-mêmes réagit face à ce type de voisin. A terme, on finit par comprendre comment on a pu en arriver au meurtre du voisin.

Car il faut bien se rendre compte que ce voisin est très particulier. Sous des airs de personnage solitaire et amical se cache un terrible voyeur qui un jour accuse le narrateur, au travers d’une lettre, d’abuser de ses enfants. Cette lettre est d’une obscénité sans nom, pleine de détails qui vont amener le narrateur dans un véritable enfer jusqu’au geste fatidique.

Dirk Kurbjuweit nous permet donc, au travers de ce livre qui porte bien son nom, de comprendre et d’analyser l’escalade meurtrière de ce narrateur et de son père. Il nous livre une analyse méticuleuse, quasi chirurgicale de cette montée de tension entre le narrateur et son voisin qui devient de plus en plus terrifiant au fil du livre.

Peur est une expérience littéraire qui ne ressemble à aucune autre, un livre qui une fois refermé nous laisse de marbre, un livre qu’on n’oublie pas rapidement.