Quatre-vingt-huit
(Universal / Blend / BMM) février 2018
Il est riche de ça, mais ça ne s’achète pas : le talent de faire courir ses doigts sur des morceaux de bois, répercutant ces douces caresses en feulement de cordes, douces et sensibles. Guillaume Poncelet livre un premier album instrumental d’une élégance folle : quatre-vingt-huit.
Après de nombreuses collaborations, sous la casquette de la composition ou de l’arrangement pour Thomas Azier, Stevie Wonder, Oxmo Puccino (dans le désordre), après des moments à la trompette et au piano, après des réalisations pour Ben l’Oncle Soul et Gaël Faye, voilà qu’il s’en retourne dans ses pénates pour consigner ses expériences sur un piano droit (ça peut vraiment être tordu, un piano ?).
Sobre comme savent l’être les ascètes, exigeant comme une technique de combat, rigoureux comme un métronome, c’est en totale abnégation du superflu que Guillaume Poncelet écrit ces seize parts de la tarte qui vous chatouille les tympans.
Certes, dans une société de voyeurisme où les like se disputent le spectaculaire, on pourrait penser que l’artiste manquât de folichonisme, mais que nenni, parce que la retenue est au sensationnel ce que le carbone 14 est aux ossements : un excavateur de vérité. Et le pianiste ci-contre n’a rien contre les révélations, il exhume des émotions enfouies, simplement en enroulant les notes les unes aux autres.
Quel ballet ! Quel orchestre ! Que dis-je ? Quel monde se cache donc derrière l’apparente solitude des touches ! De tendres roucoulades aux aveux chuchotés dans le crépuscule frileux des soirées hivernales, ça fait comme des instantanés, ces moments suspendus par une grâce quasi-divine, ces images figées dans le temps, d’un sourire accueillant, d’un geste bienveillant, d’une parole touchante, de ces humanités désintéressées qui élargissent les possibles d’un monde meilleur.
Ah, je sais bien, il y a encore le linge à repasser et la lessive à étendre, la vaisselle à ranger et le gasoil à ravitailler, le repas à préparer et les impôts à payer… Et alors ? Qu’est-ce qui vous empêche de le faire en souriant ? Qu’est-ce qui vous empêche de ne pas profiter des odeurs de linge frais, des régressions culinaires et du bruissement des étoffes ?
Je les aime bien, moi, ces gens qui ne payent pas de mine, c’est sans artifice et à voix basse qu’ils invitent, la main tendue et le sourire mystérieux. Tout comme Guillaume Poncelet et son piano droit invitent à l’évasion, wherever-you-veut-aller-où-tu-veux-comme-tu-veux-quand-tu-veux. Jusqu’au petit coin de verdure bien planqué entre le bitume du trottoir et le macadam de la route.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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