Tout comme Stockhausen, Boulez, Berio ou Pousseur avec qui il fondera l’Ensemble Musique Nouvelle, le chef d’orchestre et compositeur Pierre Bartholomée, figure majeure de la création musicale belge, participa à l’exploration musicale, à l'affranchissement de la musique face à la tonalité et les échelles modales, travaillant sur le champ de l’imaginaire sonore, la liberté, la combinaison des timbres instrumentaux, concevant ses œuvres selon l’esthétique et l’écriture sérielle tout en maintenant un réel lien avec le passé (Stravinsky, Schoenberg, Berg, Hindemith mais le baroque Anglais également...).
Ce disque, sous forme de rétrospective et de remastérisation d’enregistrements réalisés dans les années 1970 et 1980 par l’Orchestre de la Hessischer Rundfunk et par l’Ensemble Musique Nouvelle plus une pièce inédite, "Ricercar", quatuor pour saxophones datant de 1974, jugée trop difficile techniquement à l’époque mais enregistrée en 2017 rend un bel hommage à ce compositeur un peu trop méconnu encore. Une réédition souhaitée par Pierre Bartholomée comme une manière de remettre en perspectives, à l’échelle du temps notamment, ces œuvres.
Harmonique, pièce pour très grand orchestre, nourrie d’influences extra-européennes, avec une pensée plutôt horizontale des lignes mélodiques, à la profondeur rythmique et à l’éclatement du spectre des timbres (spatialisation des instruments, les vents sont présents du plus grave au plus aigu) montre la volonté de Bartholomée de s’éloigner harmoniquement du sérialisme.
"La recherche de couleurs harmoniques, (on pourrait considérer que l'harmonie - science des accords - est son sujet principal), un effectif instrumental très important, une organisation formelle assez particulière en séquences à la fois imbriquées et superposées, et, enfin, un mouvement général vers l'apparition d'une sorte de monodie finale" comme la caractérise le compositeur.
Comme chez Boulez, une partition peut en enfanter une autre, comme un perpétuel work in progress. C’est le cas ici avec le quatuor pour saxophones, pointilliste, comme des éclats de notes. Il est en lien avec "Fancy" (pièce pour harpe datant de 1974 basée sur la répétition rapide d’accords non tonals mais consonants) qui donnera "Fancy as a ground", rappelant l’ostinato baroque anglais. Les formes polyphoniques du baroque que l’on retrouve dans "Trois pôles entrelacés".
Toutes ces pièces sont virtuoses, complexes et semblent, même avec la patine du temps, toujours en pleine mutation, comme des organismes vivants. Un disque important donc pour (re)découvrir Pierre Bartholomée et qui appelle forcément à la sortie d’une intégrale de son corpus. Encore faudrait-il que le compositeur accepte toutes les contraintes (laisser une trace réelle, l’impossible recommencement, le contrôle...) que cela engendrerait...