"Parfois, je prenais la liberté d'offenser non pas l'oreille, mais les règles les plus courantes des traités, et soulignais de tels passages par les mots "con licenza". On se mettait à crier : une faute ! (...). Je demandais à mes adversaires s'ils étaient capables de prouver par l'oreille qu'il s'agissait bien d'une faute, et ils ne pouvaient que répondre non. Mon oreille également ne perçoit dans ces passages aucune faute, j'estime au contraire y entendre quelque chose de beau. Je demandais donc qu'on me laissât pécher contre les règles." Joseph Haydn.
Que dire de plus que ce qu’exprime dans la vidéo accompagnant cette chronique le pianiste Arthur Ancelle ? Cette chose si simple mais pourtant pas toujours vérifiée qu’il faille comprendre la musique d’un compositeur, la comprendre dans ses moindres détails, dans sa façon dont elle est construite (harmoniquement et mélodiquement) pour bien l’interpréter.
La recherche stylistique et esthétique du pianiste Français lui permet de faire naître sous ses doigts la science de la composition, à la fois sensible et intelligente, de la surprise et de la dramaturgie du compositeur autrichien. Il met avec une certaine verve et un certain humour en lumière l’envie permanente d’Haydn de se renouveler est une caractéristique fondamentale du style de Haydn, tout comme son aptitude à ne jamais sombrer dans une démarche artistique machinale. Surtout, il se livre complètement quitte à dérouter. Ici point de temps mort Ancelle joue, exagère avec les mélodies, les harmonies, avec les rythmes et les silences, avec les dynamiques de tension ou de détente. On est en droit de ne pas aimer, cependant la démarche est appréciable car maîtrisée, intelligente et intelligible.
Comme le rappelle François-René Tranchefort dans son Guide de la Musique de piano et de clavecin : "Les Sonates pour clavier de Haydn constituent un pan majeur de sa production. Non qu'il faille là encore lui attribuer la paternité du genre : il a tenu lui-même à dire tout ce qu'il devait en la matière à Carl Philipp Emanuel Bach, et ses sonates dénotent ici et là quelques autres influences comme celle de Domenico Scarlatti et surtout — du moins dans une première période — de certains de ses prédécesseurs viennois, Wagenseil notamment. Cependant, son apport en ce domaine est de la plus haute importance : il a fait de la Sonate une forme aux ressources variées et infinies, capable de répondre à toutes les exigences d'une expression que le Romantisme naissant veut de plus en plus personnelle et véhémente. Les cadres créés par Haydn sont toujours vivants et neufs grâce à la merveilleuse spontanéité, à la liberté d'esprit, à la sagacité sans pareilles de l'auteur de la Création, pour qui jamais la forme ne fut quelque chose de préfabriqué, de figé, mais, bien au contraire, un moule souple et malléable au service de la pensée et de l'expression."
Si la sonate n° 30 se montre plutôt audacieuse, c’est dans la sonate n°31 qu’Haydn montre toutes ses facettes : le génie créateur avec cette écriture élaborée, le lyrique et l’espiègle. La n°62 est d’une superbe intensité d’expressions et de sentiments, elle est comme est un océan, capable de moments de calme comme de véritables moments de déchaînements.
L’interprétation d’Ancelle est prenante, avec des partis pris totalement assumés. Juste un regret : que ces sonates ne soient pas enregistrées sur instrument d’époque. Une belle surprise...
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