Nous sommes en l'an 1 après Jupiter, toute la Gaule est occupée par des Romains qui produisent de la soupe par citernes entières. Toute ? Non ! Ce soir-là, une troupe d’irréductibles Gaulois, rassemblée au Café de la Danse, résiste encore et toujours à l’envahisseur. Les garnisons de légionnaires dans les camps retranchés de L'Impératrissum, MCSolarium, Juliettarmanum et Charlottegainsbourum, se regardent le nombril, susurrent des paroles pas dérangeantes, feraient bien de craindre les baffes et la lumière qui pourrait éclairer leur intérieur.
La troupe d'intransigeants ménestrels est emmenée par le barde Ramon Pipin, sorte de ZADiste de la chanson à texte où les paroles "frôlent le bon goût sans jamais y tomber". Il faut rappeler que le spectacle du groupe de cet agitateur professionnel, Odeurs, a failli être mis en scène par Coluche, que, sous son vrai nom Alain Ranval, il a écrit les musiques de "Mon Beauf" et "Le retour de Gérard Lambert" de Renaud, qu'il a collaboré en tant qu'auteur de musique de films avec Albert Dupontel, Antoine de Caunes ou encore Laurent Baffie, ou pour la pièce de théâtre d'Eric Assous, avec Michel Sardou, "Secret de famille". Son studio, Ramsès, a accueilli Marquis de Sade, Eric Serra, Michel Jonasz, John McLaughlin, Zao et même Gotainer pour des enregistrements de publicités.
Le premier album d'Odeurs a accueilli comme musiciens ou chanteurs ponctuels quelques habitués du studio comme Manu Katche, Richard Pinhas, Didier Lockwood ou Roland Giraud (?). C'est dire que les exigences musicales du sieur Pipin sont élevées. Sa progéniture musicale pourrait rassembler Philippe Katerine pour le côté dadaïste, Giedré pour l'humour noir, Stupeflip pour l'univers personnel et Mark Oliver Everett comme touche-à-tout musical.
Une fois le décor planté et les présentations effectuées, revenons au banquet du soir, car la pitance y était excellente et généreuse.
En amuse-bouche, on nous sert "La porte du jardin", adaptation libre de "Hey Gyp" de Donovan, dont le clip avait été censuré par M6 à la fin des années 90. Il faut croire que quelques sous-entendus grivois étaient plus dérangeants que le téléfilm érotique du dimanche soir. S'ensuivent beaucoup de titres du dernier album en date "Comment éclairer votre intérieur", et quelques autres plus anciennes ("Nous sommes tous frères", également reprise sur le dernier album) de Ramon Pipin. "La chanson ennuyeuse" se révèle un grand moment.
Avec guitare électrique, guitare acoustique, deux claviers, un batteur et une basse, le son est ample et le confort d'écoute parfait. La fidèle Clarabelle Cockenpotz qui, au début des années 80 arrivait sur scène en guépière, est toujours là aux choeurs. En devant de scène, totalement immobile, mais allant changer de tenue entre chaque chanson, elle apporte une touche comique tout autant qu'étrange à l'ensemble. Cette première partie de la soirée est agrémentée de "twongs", un mélange de tweet et de song en moins de 140 notes. Nous n'hésiterons pas à dire que la "twong" intitulée Bertrand Cantat est une tuerie.
Pour la soirée du lundi 9 avril, Ramon Pipin a joué trois soirs au Café de la Danse, du 7 au 9, on retrouve même Chorus, l'émission de rock des années 80, réunie à nouveau puisque Antoine de Caunes et Jacky sont assis dans la salle.
Après un court entracte, ce sont les Excellents qui entrent en scène pour interpréter en live leurs pastilles youtubesques. A trois ukulélés et un cor (de rêve), ils adaptent en français quelques incontournables du rock : "Kiss" de Prince devient "Quiche", "Purple Haze" de Jimi Hendrix se conclut par un solo de ukulélé avec les dents, mais "Enola Gay" d'OMD sonne la fin du groupe. Exit les vestes rouges et les chemises à jabot, Ramon Pipin retrouve son t-shirt de scène illustré du logo de son dernier album, une tête d'ampoule.
La seconde partie est consacrée au nouvel album de Ramon Pipin, "Qu'est-ce que c'est beau". Un quatuor à cordes rejoint les musiciens déjà présents. Le nouvel opus est ambitieux et toujours drôle, inspiré et irrévérencieux. A une époque où on nous parle à longueur de temps de startup nation et d'esprit d'entreprise, on constate encore une fois à quel point les maisons de disque manquent d'audace puisque ce disque n'a toujours pas trouvé de producteur et de distributeur alors qu'il entre tout à fait dans l'esprit de l'humour d'un Guillon ou d'un Gaspard Proust. Cependant, aujourd'hui les professionnels abordent la musique comme un art qui divise plus qu'il ne rassemble, et pour viser le plus grand nombre il faut donc être le plus consensuel, c'est-à-dire le plus fade possible. Or Ramon Pipin n'en a cure et préfère rire de tout plutôt que de mourir d'ennui à force de ne vouloir choquer personne.
En final, ce sont deux chansons d'Odeurs qui sont interprétées : "Que c'est bon !" par Clarabelle, premier titre de De l'amour, paru en 1981. Puis "Couscous Boulettium", parodie de Kraftwerk parue sur l'album 1980. No Sex, interprétée pour la première fois depuis plus de 30 ans, et chantée par Klaus Blasquiz (Magma) comme à l'origine.
Deux heures de plaisir total avec le Ramon Pipin Band (encore), ce qui est une gageure vu son âge canonique, ça ne peut décidément pas se refuser.
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