Réalisé par Andrew Haigh. Etats Unis. Drame. 2h01 (Sortie le 25 avril 2018). Avec Charlie Plummer, Chloë Sevigny, Steve Buscemi, Travis Fimmel, Steve Zahn, Justin Rain, Lewis Pullman et Bob Olin.
Avant toutes choses, "La Route sauvage" d'Andrew Haigh restera pour la performance hors du commun de Charlie Plummer en jeune ado de 15 ans traversant l'Amérique pour retrouver sa tante. En le voyant sur l'écran, il est impossible de ne pas penser à River Phoenix, le frère surdoué de Joaquin, mort à 23 ans à l'aube d'une carrière qu'on imaginait extraordinaire.
Charlie Plummer prend ici les traits de Charly Thompson, un adolescent qui vit seul avec son père, un être au bout du rouleau dont le chemin va vite s'arrêter. Découvrant les chevaux et les courses, il trouve en un vieux cheval un peu de l'amour qui lui manque, et s'accroche aux basques de deux personnages qui lui font découvrir à la fois la passion et l'envers du milieu hippique, Bonnie, la femme jockey, et Del Montgomery, l'entraîneur de chevaux lui aussi au seuil de l'évanouissement final.
"La Route sauvage" d'Andrew Haigh est un road movie qui bifurque vite vers autre chose qu'un remake de "L'étalon noir" et autres films ou romans associant enfance et chevaux.
En effet, Charly traverse le Wyoming, le Montana et le Nouveau Mexique et perd son compagnon à quatre jambes. S'en suit une errance qui lui fait croiser toute une Amérique exclue, une Amérique de sous-prolétaires qu'on côtoyait jadis dans des films comme "L'épouvantail".
Charly dérive dans des couleurs filmiques qui rappelle certains film de Ford ou de Wenders. Sa fragilité apparente cache une volonté peu commune et le film alterne les moments où il reprend espoir et ceux où il s'enfonce ostensiblement du côté des sans-espoirs.
Dans son film précédent, Andrew Haigh décrivait les retraités anglais avec une infinie justesse. Cette fois, il sait montrer les perdants du "rêve américain" dans un film maîtrisé dont on ne devine pas l'issue. Bien sûr, on espère qu'une lueur finira par briller dans ce qui peu à peu prend la forme d'un cauchemar dont Charly ne parvient pas à se réveiller.
Touchant sans jamais virer au mélo, "La Route sauvage" d'Andrew Haigh est un film formellement réussi, qui montre une Amérique rurale pas plus rassurante que sa face urbaine et qui vaut aussi par sa manière d'empiler les personnages singuliers, comme dans un récit d'apprentissage, comme dans un roman de Dickens ou de Mark Twain.
On se souviendra longtemps de la ténacité de Charlie Plummer pour tenter d'inverser un destin tout tracé vers le malheur et l'on conseillera de montrer ce beau film à des adolescents de son âge, en espérant qu'ils auront dans la vraie vie la même opiniâtreté et la même envie de s'en sortir. |