Pour sa politique d'exposition temporaire et en adéquation avec son ancestrale devise "Frappe la monnaie et les esprits", la Monnaie de Paris devenue 11 Conti - Monnaie de Paris s'inscrit résolument dans une muséographie d'exception.
En effet, elle vise les grands noms qui tiennent le haut de l'affiche internationale de l'art contemporain et du marché de l'art avec des expositions monographiques inédites.
Ainsi après celle "Not Afraid for Love" de l'oeuvre du plasticien italien Maurizo Cattelan, elle a invité l'artiste indien Subodh Gupta pour sa première rétrospective parisienne et celui-ci a investi l'ensemble des différents espaces du lieu avec 32 oeuvres, dont deux réalisées spécialement pour l'événement, et deux médailles créées lors de sa résidence au coeur des ateliers.
Le titre de l'exposition "Adda/Rendez-vous", conçue sous le commissariat de Camille Morineau, directrice des expositions et des collections de la Monnaie de Paris, et de Mathilde de Croix, commissaire d'exposition à la Monnaie de Paris, met l'accent sur le lien existant entre l'institution française et l'oeuvre du peintre, vidéaste, sculpteur et plasticien qui relevait de l'évidence avec le métal comme point de convergence.
En effet, Subodh Gupta s'est inscrit dans l'art contemporain par le détournement d'objets du quotidien fabriqués en inox très répandus en Inde répoutée pour sa métallurgie, notamment en cuisine, tels ceux qui concourent à l'élaboration de la monumentale tête de mort du "Very Hungry God" reproduite sur l'affiche.
Cette métaphore de la dualité mortifère entre la production capitaliste et le fléau non éradiqué de la faim est devenue mondialement connue après son entrée dans la Collection François Pinault, en trônant sur le ponton flottant du Palazzo Grassi sis à Venise à l'occasion de la présentation de cette dernière ("Séquence 1. Peinture et sculpture dans la collection François Pinault").
Suboh Gupta - Dieu est dans cuisine et le cosmos dans la poêle
Subodh Gupta oeuvre dans le polysémique avec un ancrage fort dans les us et coutumes de son pays qui concourent à l'élaboration d'un vocabulaire plastique unique et immédiatement identifiable.
Par ailleurs, la cuisine est le coeur du foyer indien et l'artiste indique aimer manger et cuisiner ce qui éclaire son utilisation récurrente des objets domestiques et ce à la manière des artistes affiliés dans les années 1960 au Nouveau Réalisme, par détournement et accumulation.
Ainsi,
pour "Faith Matters", l'assemblage-empilement de boîtes à repas, les tiffin dabbas, qui forme une mégapole de gratte-ciels tournant en rond sur un kaitensushi.
Cette veine stylistique préside encore dans ses oeuvres récentes de 2017 qui décline le pot traditionnel le handi dans "Unknown Treasure", comme une atypique corne d'abondance et "In this vessel lies the philosopher's stone" au titre explicite.
Une deuxième obédience est celle du "ready-made" les éviers de "Jutha" ou les WC vrais faux jumeaux en version cheap et version kitsch qui constitue, comme les caméras jumelles, en vil métal ou en rutilant laiton, de "There is Alawys Cinema" un avatar moderne des vanités.
En corrélation avec les
sujets sociétaux contemporains, ses sculptures-installations
sont placées sous une dualité d'approches presque paradoxales, une dimension humoristique et une dimension métaphysique, sinon mystique, et toujours cosmogonique reposant sur un animisme culinaire.
Cette dernière se retrouve également dans ses vidéos, dont "Seven billions Light Years" qui assimile la planète à un pappadum, et les peintures tel le diptyque "In this vessel lies the seven seas" qui reproduit l'intérieur abimé de poêles à frire.
La rétrospective se tient dans les salons historiques de l'Hôtel des Monnaies et trois oeuvres monumentales sont implantées dans les cours intérieures ouvertes gratuitement au public.
Outre "Doot", réplique en aluminium de la Hindustan Ambassador, la première voiture fabriquée en Inde positionnée dans la Cour des Fonderies, et "Pillars", alignement triangulaires de trois colonnes votives en relation avec les rituels indiens, la Cour d'honneur accueille l’imposante sculpture en acier brillant "Specimen", évocatrice d'un arbre de vie, reproduction métallique d’un banyan - figuier indien et nom d'une sous-caste de commerçants indiens - avec des ustensiles de cuisine en guise de fruits.
De plus, en résonance avec cet événement, le Musée du 11 Conti présente avec "Un rêve d'ailleurs..." une exposition thématique sur l'art des médailles en Inde incluant trois oeuvres de Subodh Gupta :"1K.G;War", "A penny for belief" inspiré du rituel de soffrandes et "Apples of The Earth".
Et,
en résidence à la Monnaie de Paris, Subodh Gupta a créé deux médailles, l'une, convenue, reproduisant l'emblématique "Very God Hungry", l'autre, inattendue mais en cohérence avec son système de dualité symbolique.
Intitulée "Garam Massal" son motif se compose de cinq épices dont la valeur marchande, jadis, supérieure à celle de l'or a suscité convoitises et occupations violentes et qui, de tous temps, constituent des ingrédients incontournables de la cuisine indienne. La boucle est ainsi bouclée.
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