Evocation dramatique conçue et interprétée par Maude Sambuis dans une mise en scène de Marcel Hettak. Evocation dramatique conçue et interprétée par Maude Sambuis dans une mise en scène de Marcel Hettak.
Avec "Mademoiselle C.", sa première oeuvre dramatique, Maude Sambuis propose une superbe partition alors même qu'elle s'inscrit dans le genre délicat du biopic avec, de surcroît, une figure devenue emblématique, celle de Camille Claudel, dont le destin tragique est, de plus, régulièrement évoqué sur scène depuis la parution en 1982 de sa biographie par Anne Delbée.
Sa réussite tient à un conséquent travail de conception et de transposition scénique en premier lieu sur le texte, un texte personnel à l'écriture contemporaine maîtrisée qui s'affranchit du genre du lamento souvent usité comme, bien que ressortant au seul en scène, du soliloque pour privilégier un crescendo dramatique qui s'exprime de manière dialogale.
De plus, même si le prologue, avec la magnifique animation graphique de Pascal Cataye, la place sous l'égide du "suicidé de la société", dans le sens de l'essai d'Antonin Artaud consacré à Van Gogh, elle ne se focalise pas sur la cauchemardesque période asilaire auquel Camille Claudel a été condamnée à l'initiative de sa propre famille.
En effet, Maude Sambuis a préféré mettre en exergue la soif de liberté qui l'animait, une liberté de femme pour aimer et une liberté d'artiste pour créer non seulement revendiquées mais exercées qui se sont heurtées, par son comportement frontal, tant à l'ordre moral qu'à l'ordre artistique, tous deux sexistes, en raison de sa liaison avec le sculpteur Auguste Rodin et de son obstination à se distinguer dans le monde de l'art, alors même que l'Ecole des Beaux Arts était réservée aux hommes, et, de surcroît, dans un domaine, la sculpture, qui constituait un pré-carré masculin.
Maude Sambuis parvient, à travers d'éloquentes scènes-tableaux, à construire une dramaturgie claire et éclairante de l'espoir juvénile, partagé avec son frère bien-aimé, le petit Paul qui deviendra le grand poète et dramaturge Paul Claudel co-signataire de la demande d'internement, à la décompensation psychotique.
Ce qui permet d'appréhender celle-ci comme résultant d'une conjonction d'événements traumatiques, les difficultés professionnelles, la trahison de Rodin, de vingt ans son aîné qui s'est abreuvé de sa jeunesse et de sa vivifiante source créatrice, et la mort de son père, son seul soutien, une mort qui permet à sa mère mal aimante, l'ayant toujours considérée comme une rivale à abattre, rivale personnelle par cet amour paternel et rivale du fils à qui revenait le droit d'être, et le seul, "génie" de la famille.
Dans la scénographie de Pascal Santerre et la mise en scène de Marcel Hettak placés sous le signe d'une sobriété éclairée, Maude Sambuis dispense une prestation incarnée bouleversante toute en frémissante hypersensibilité et éloquence sensible.
Une saisissante révélation.
|