Retrouver Nicole Krauss est toujours un immense plaisir. Découverte avec le magnifique L’histoire de l’amour, paru il y a déjà plus de dix ans, c’est en sa compagnie que commence mon long marathon de lecture de la rentrée littéraire de septembre 2018. Une fois encore, l’auteure américaine nous offre un superbe livre qui, je l’espère, se poursuivra par la lecture d’autres très bons romans.
Il aura donc fallu attendre sept ans pour voir le retour de Nicole Krauss dans les rayons des librairies françaises. Avec Forêt obscure, publié aux éditions de l’Olivier, elle marque donc son grand retour avec un roman construit autour de deux personnages principaux et d’une histoire extrêmement originale.
L’ouvrage débute autour du personnage de Jules Epstein, un homme d’affaires juif new-yorkais qui décide à la fin de sa vie de tout abandonner pour retourner en Israël. Il disparaît sans laisser de traces et les premiers chapitres nous permettent de connaître son parcours professionnel et familial notamment autour de ses enfants qui tentent de trouver une explication à sa disparition.
Nicole, le double de l’auteure, est un écrivain connu en mal d’écriture, au bord du divorce qui décide de retourner dans la ville de ses vacances enfantines. Les deux vont se retrouver à l’hôtel Hilton de Tel-Aviv, en photo sur plusieurs pages dans le livre.
Epstein va y retrouver un rabbin qui l’a invité à une réunion en présence de descendants de David. Nicole, de son côté, rencontre un professeur de littérature qui va lui confier une mission d’un ordre un peu spécial concernant Kafka. Evidemment, les deux histoires se répondent et permettent aux deux protagonistes de se poser de nombreuses questions philosophiques et théologiques. Nicole et Epstein ont en commun d’être en manque de repères, sur le point de s’effondrer qui vont connaître la révélation. Pour eux, la métamorphose, encore une référence à Kafka, ne peut avoir lieu qu’en Israël. Et évidemment, la judéité de Nicole Krauss est encore très présente dans son dernier livre.
Comme à son habitude, l’auteur nous embarque alors dans un superbe roman qui va explorer de nombreuses thématiques comme celles concernant l’accomplissement de soi et les métamorphoses intimes autour d’un voyage où la réalité n’est pas toujours certaine et où le fantastique est toujours à l’affût. Le livre nous montre aussi la grande imagination de l’auteur, capable de nous proposer Kafka autour d’une seconde vie en tant que jardinier en Israël.
Nicole Krauss manie toujours avec talent la digression. On la suit avec plaisir pendant une bonne partie du livre sans savoir vraiment où elle nous mène pour aboutir sur un final éblouissant qui va nous révéler définitivement qui sont Nicole et Epstein et quelle est leur véritable quête.
L’hôtel Hilton de Tel-Aviv joue un rôle fondamental dans le livre, il est comme un personnage autour duquel se déroule l’histoire d’Epstein et de Nicole. Kafka aussi a une place particulière dans l’ouvrage. Lui aussi, nous dit l’auteur, eut ce désir de fuite au cours de sa vie.
Reste le titre, Forêt obscure, étrange titre emprunté, nous dit Nicole Krauss, au premier vers de l’Enfer. La forêt est omniprésente dans le livre, essentiellement sous la forme de métaphores. Elle est un lieu d’abandon, un lieu où l’on se perd aussi. Elle est aussi lieu d’obscurité comme nous l’indique le titre. Nous même lecteurs, on se perd aussi un peu dans les digressions de l’auteure qui réussit néanmoins à nous emmener avec passion vers l’épilogue.
Avec Forêt obscure, Nicole Krauss confirme tout le bien que je pense d’elle. Son dernier livre, exigeant au niveau de la lecture mais tellement bien écrit se savoure comme on déguste un millésime. Une fois le livre terminé, on se rend compte que l’on possède alors un très grand roman dans sa bibliothèque.
Que dire de plus alors, sinon que cette rentrée littéraire commence merveilleusement bien avec le dernier ouvrage de Nicole Krauss. |