C’est vers les contrées canadiennes que nous emmènent les éditions Delcourt pour cette rentrée littéraire, prolongeant leur volonté de publier des romans d’auteurs venus des quatre coins du monde. Avec L’habitude des bêtes, écrit par Lise Tremblay, la maison d’édition confirme son talent pour aller dénicher des petites pépites littéraires sur d’autres continents.
Lise Tremblay est une auteure canadienne née à Chicoutimi qui s’est déjà vue décerner de nombreux prix au Canada pour ses romans ou ses recueils de nouvelles. Surnommée "l’écrivain du Nord", elle n’est pas une inconnue dans son pays mais reste encore peu connue chez nous. L’habitude des bêtes, qui vient de sortir en France devrait lui permettre de se faire connaître rapidement tant son talent d’écrivain semble évident à la lecture de ce livre.
Tout petit livre, par le nombre de pages évidemment, ses 125 pages se lisent très rapidement, peut-être même d’une traite. Le narrateur, Benoit, habitant Montréal décide de partir dans son chalet au cœur du parc naturel de Saguenay. Il a décidé de partir dans cette forêt pour se trouver, se reposer et couler des jours tranquilles avec son chien malade en fin de vie.
De ce sujet extrêmement simple, un homme et un chien au milieu de la nature canadienne, Lise Tremblay arrive avec magie à en faire une superbe et grande histoire. Elle nous décrit une vie minuscule dans un décor grandiose, peuplé de loups et de chasseurs. Les petits moments de vie du narrateur et de son chien sont tellement bien écrits que Lise Tremblay arrive à rendre passionnant des choses au départ parfois insignifiantes. Ces descriptions de la nature, de cette forêt présente dans ce parc naturel sont d’une pure beauté. On se retrouve comme envoûtés sous la plume de la canadienne.
Et puis il y a aussi le fond de l’ouvrage car l’auteur ne se limite pas à décrire le décor grandiose qui entoure le narrateur et son chien. Deux thèmes principaux sont abordés dans le livre de façon magistrale : le rapport à la mort et le rapport au territoire et à la nature. Le rapport à la mort et à la maladie tourne en partie autour de la maladie du chien du narrateur mais aussi autour de sa fille, Carole, qui souffre d’une maladie qu’il ne comprend pas. Carole ne veut ni être homme ni être femme. Elle veut être rien et ne pas avoir de sexe apparent.
Le rapport au territoire et à la nature tourne autour de la place du narrateur dans le village. Benoit est considéré comme un étranger dans le village puisqu’il n’en est pas originaire. Il a donc du mal à y être intégré même si il réussira à se lier d’amitié avec certains habitants. Et puis, il y a ces loups, assez peu présents au final dans le livre, sources de conflits dans le village autour de territoires de chasse et entre ceux qui veulent les tuer et ceux qui les protègent.
Vous l’avez donc compris, L’habitude des bêtes n’est pas un livre s’appuyant sur une intrigue particulière. C’est un subtil livre sur le temps qui passe autour de personnages et de décors magnifiques. C’est enfin un roman apaisant qui nous présente la mort non pas comme un drame mais comme un élément inéluctable du cycle de la vie.
Il se dégage de l’habitude des bêtes une très grande sagesse. Lise Tremblay réussit parfaitement à nous donner l’envie de partir seul dans les contrées canadiennes pour vivre le sentiment de plénitude qui se dégage à la lecture de son livre. |