Réalisé par Emmanuel Mouret. France. Drame/Romance. 1h49 (Sortie le 12 septembre 2018). Avec Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz, Natalia Dontcheva et Laure Calamy.
Pour la première fois, Emmanuel Mouret s'aventure dans le passé, qui plus est dans le film à costumes et l'adaptation (libre) d'un texte littéraire. Il se complique encore la tâche puisqu'il s'attaque à Diderot et à un monument du cinéma français, "Les Dames du Bois de Boulogne", le premier chef-d'oeuvre de Robert Bresson.
Evidemment le résultat n'est pas le même. Mouret n'est pas un janséniste et il ne tourne pas en 1945 un film dont l'atmosphère noire se nourrit des relents délétères de l'Occupation.
Au contraire, tout est lumineux et plein de couleurs, des châteaux aux superbes tenues de Cécile de France et d'Edouard Baer, dans "Mademoiselle de Joncquières". D'emblée, on sait que si l'auteur d'"Un baiser, s'il vous plaît" a changé d'époque, il n'a pas changé son regard sur le monde : la gentillesse, pour ne pas dire "la cucuterie", reste de mise.
Sur le fond, cela pourrait poser un problème puisque toute l'intrigue du film repose sur la vengeance ourdie par Madame de La Pommeraye à l'encontre du marquis des Arcis, être séduisant et volage qui l'a aimée puis est passé à d'autres conquêtes tout en croyant rester "l'ami" de son ancienne belle. Celle-ci va concocter un plan diabolique pour qu'il se compromette socialement et épouse sans le savoir une aventurière débauchée.
"Mademoiselle de Joncquières" d'Emmanuel Mouret devrait être donc logiquement un drame. Or, il n'en est rien... et d'ailleurs, comment envisager un drame quand le séducteur piégé est Edouard Baer et l'objet de sa convoitise Alice Isaaz ?
Sans rien révéler, Mouret s'éloigne terriblement de la fin des "Dames". Son incorrigible optimisme reprend vite le dessus dans ce film léger, sauvé par sa belle écriture qui n'est pas pédante, ne cherche pas à faire "dix-huitième" et est bien en bouche des acteurs qui sont à leur meilleur. Peut-être qu'Edouard Baer est un peu âgé pour son rôle, mais il l'occupe hardiment et se tire avec élégance d'un rôle botté où il est théoriquement le dindon de la farce.
Bien entendu, on évitera de chercher l'écho de la philosophie des Lumières dans cette pochade chic et distrayante.
"Mademoiselle de Joncquières" d'Emmanuel Mouret contribuera certainement à asseoir un peu plus sa réputation dans le domaine de la comédie avec ses plus (sa belle humeur, son amour des acteurs) et ses moins (son absence d'ambition).
Annoncé comme un futur Rohmer, il ne le sera jamais car il n'a pas de vision morale ni aucun sens du politique. Tant pis, on se contentera de passer de bons moments à la campagne en sa bonne compagnie.
|