Biopic théâtral d'après le roman éponyme de Paul Fournel, adaptation et mise en scène de Roland Guenoun, avec Matila Malliarakis, Clémentine Lebocey et Stéphane Olivié-Bisson.
Le biopic théâtral "L'éternel premier" constitue une proposition très aboutie de Roland Guenoun, qui en signe la conception et la mise en scène, en ce qu'elle satisfait aux exigences de la transposition scénique d'un opus littéraire, en l'occurrence le récit éponyme de Paul Fournel consacré au coureur cycliste Jacques Anquetil, grand champion des années 1960, qui fut son idole de petit garçon.
Cela tient, en premier lieu, à l'élaboration d'une partition intelligente, en ce qu'elle s'abstient de tout spectaculaire tenant au pittoresque, notamment au folklore populiste du Tour de France, pour privilégier l'approche psychologique d'une personnalité, en l'occurrence essentiellement transgressive tant au plan professionnel que personnel, qui permet d'aborder et d'éclairer des questionnements intemporels susceptibles d'intéresser même les spectateurs qui ne sont pas des fanatiques de la "petite reine".
En effet, le parcours exceptionnel du quintuple vainqueur du Tour de France, surnommé respectueusement "Maître Jacques" sans jouir d'une véritable popularité, à l'instar de celle de "Poupou", son éternel second Raymond Poulidor, pointe sur la thématique intemporelle du mental et de la motivation du sportif de haut niveau et la problématique du dopage.
Ensuite, au dynamisme formel résultant de la combinaison harmonieuse et équilibrée de plusieurs registres, celle du biopic, du portrait introspectif et de l'anecdote, avec de brefs inserts d'images et de photos d'archives jamais superfétatoires, et de trois genres aux fonctions complémentaires, la narration judicieusement ponctuelle, le monologue in situ et la scène dialoguée, sans que jamais ne s'installent ni la lassitude ni l'impression d'artificialité du procédé.
Enfin, à la scénographie avec un dispositif scénique simple et efficace conçu par Marc Thiebault qui s'avère en adéquation avec la structure composite de la pièce. Au centre, devant la une des journaux célébrant ses exploits, et encadré de panneaux latéraux en ligne de fuite qui diffractent les images, le coureur cycliste en action, arrimé sur son vélo.
Anquetil, l'homme qui ne suit que ses propres règles, le sportif fasciné par sa propre capacité à subir et supporter la douleur physique qui dit ne courir ni pour la gloire, ni pour le dépassement de soi, mais pour l'argent et qui stigmatise l'hypocrisie sociétale condamnant le dopage sans lequel il n'y aurait pas ce spectacle du sport dont se repaissent les sponsors, les clubs et les médias comme le public.
Au jeu, la fraîcheur mutine et gracieuse de Clémentine Lebocey, le talent confirmé de Stéphane Olivié-Bisson, qui joue les caméléons en campant le narrateur et tous les personnages de premier plan qui gravitent autour du champion, et l'interprétation émérite, doublée d'une belle performance physique, de Matila Malliarakisconcourent à faire de ce spectacle une totale réussite. |