Réalisé par Wanuri Kahiu. Afrique du Sud/Kenya/France. Drame. 1h22 (Sortie 26 septembre 2018). Avec Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva, Jimmi Gathu, Nini Wacera, Dennis Musyoka , Patricia Amira et Neville Misati.
La plupart des spectateurs feront d'une pierre deux coups : ils découvriront leur premier film kényan et leur premier film kényan réalisé par une femme.
"Rafiki" de Wanuri Kahiu appartient à ces nouveaux films africains tournés après le succès des productions télés qui foisonnent sur le continent africain.
Fini, donc, le "film universel" racontant la vie d'une Afrique pré-industrielle, ou le film sur "l'exode rural" accompagnant des jeunes gens déracinés déchantant sur leur avenir dans les mégapoles africaines.
Dans "Rafiki", on est plongé dans un quartier de Nairobi où se déroule une campagne électorale. Kena et Ziki vont se rencontrer parce que leurs pères sont des adversaires politiques. L'un est un politicien professionnel, appartenant à la classe dominante, l'autre, épicier, croit à la possibilité d'une autre politique.
Mais l'essentiel n'est pas là : Kena et Ziki sont deux filles, deux adolescentes attirées l'une par l'autre...
Wanuri Kahiu n'a ni fait un film scabreux ni un film militant. Elle raconte la découverte de l'amour chez deux jeunes filles pleines de vie et destinées à une vie pas très différentes des filles de leur âge en Europe ou dans les pays industrialisés.
Elles travailleront, vivront une vie "normale" et auront la sexualité qu'elles désirent. Sauf, évidemment que ce n'est pas très simple dans un pays d'Afrique où ne se mélangent pas forcément harmonieusement les tabous anciens et les droits modernes.
Tout pourrait être gai, coloré et joyeux comme les premières bobines du film. Mais, peu à peu, le scandale de leurs pudiques premiers pas dans le monde des "femmes qui aiment les femmes" va aboutir au drame.
Un drame heureusement désamorcé parce que "Rafiki" de Wanuriu Kahiu cherche à faire passer l'idée de tolérance,d'acceptation de la différence plutôt que de dresser un constat réaliste du blocage des sociétés marquées par des religions rigides sur les questions concernant les femmes.
Dans ce film, la politique n'arrange rien, mais l'esprit africain peut aussi vaincre la bêtise des idées reçues. Utopiste, Wanuriu Kahiu pense que les choses peuvent avancer. Kena et Ziki, séparées, éloignées, pourront-elles, quand elles auront quitté leur quartier et qu'elles seront devenus des femmes actives, se retrouver et s'aimer ?
Comme la réalisatrice de ce film qui traite avec beaucoup de subtilité une question qui fâche, on l'espère vraiment.
"Rafiki" de Wanuru Kahiu est un film malgré tout rafraîchissant, plein de couleurs et de musiques, qui décrit une jeunesse en fusion, jamais résignée et qui aspire à une vie plus libre dans un continent qui s'éveille et qui comptera de plus en plus.
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