S’il est un livre qui rassemble tous les amateurs de la littérature dans ce qu’elle possède de plus beau, c’est bien le dernier livre de Valérie Manteau, Le Sillon, publié aux éditions Le Tripode. Ces dernières ont d’ailleurs fait le choix de ne publier qu’un seul livre, celui-ci, lors de la rentrée littéraire. A la lecture de l’ouvrage, magnifique de la première à la dernière page, on comprend mieux la décision des éditions du Tripode.

Valérie Manteau n’est pas une découverte pour moi. J’ai déjà eu la chance de lire son premier ouvrage, Calme et tranquille, qui m’avait découvrir un très grand écrivain. Subjugué par son talent d’écriture, j’en avais fait à l’époque l’un de mes coups de cœur. Avec Le Sillon, elle confirme tout le bien que je pense d’elle et nous offre encore un immense livre.

Valérie Manteau nous raconte l’histoire d’une jeune femme qui rejoint son amant à Istanbul. Alors que la ville se défait au rythme de ses contradictions et de la violence d’Etat, d’aucuns luttent encore pour leur liberté. Elle-même découvre, au fil de ses errances, l’histoire de Hans Dink, journaliste arménien de Turquie, assassiné pour avoir défendu un idéal de paix. Au fur et à mesure que Valérie Manteau nous raconte l’histoire de ce journaliste, elle va petit à petit nous raconter sa propre errance dans cette ville d’Istanbul, fascinante ville en déshérence. L’histoire d’amour s’étiole au fur et à mesure que progresse l’enquête sur Hans Dink.

Au travers de son écriture, l’auteur nous montre à la fois l’amour qu’elle porte pour ce pays et cette ville d’Istanbul et en même temps elle jette un regard extrêmement acéré sur la gouvernance de cet Etat. Istanbul est une fourmilière, une ville au passé glorieux qui mêle poésie et tension. C’est un personnage à part entière dans ce livre.

Valérie Manteau réussit le tour de force de nous restituer avec un réalisme troublant l’atmosphère des ruelles stambouliotes, de cette ville à la fois occidentale et orientale. Autour de ses monuments, de ses ruelles commerçantes et de ses transports en commun, elles rappellent des souvenirs chez ceux qui connaissent Istanbul et donnent une cruelle envie de la visiter à ceux qui n’ont pas encore visité cette ville.

J’ai retrouvé dans Le Sillon tout ce qui m’avait déjà plu dans Calme et tranquille. Sobre et d’une immense élégance, l’écriture de Valérie Manteau est toujours autant fascinante, une véritable offrande faite aux amoureux de la littérature. Ses rencontres, ses promenades dans Istanbul, ses expériences et ses déboires sentimentaux sont d’une grande sensibilité.

Et en même temps, à cette sensibilité s’ajoute une analyse politique particulièrement soignée de la Turquie, pays amnésique qui ne reconnaît pas le génocide arménien dans lequel les libertés sont de plus en plus menacées, en témoigne la situation d’Asli Erdogan, que la narratrice rencontre d’ailleurs pendant son procès.

Le Sillon est donc aussi un livre engagé et intelligent, plein de justesse. Faire le choix de ne porter que ce livre pour la rentrée littéraire est donc un choix très sage de la part du Tripode. La place qu’il prend est tellement importante qu’il n’aurait laissé que peu d’espace aux autres ouvrages.

Découvrir Valérie Manteau est une nécessité et Le Sillon représente une formidable opportunité de la connaître. Alors n’hésitez pas. Foncez…