Depp Biguines & Gwo Ka from 60’s French West Indies
"Jeune, ne quitte pas ton pays."
"Chacun de nous a besoin de la mémoire de l’autre, parce qu’il n’y va pas d’une vertu de compassion ou de charité, mais d’une lucidité nouvelle dans un processus de la Relation. Et si nous voulons partager la beauté du monde, si nous voulons être solidaires de ses souffrances, nous devons apprendre à nous souvenir ensemble". Édouard Glissant
Non, la musique des Antilles françaises ne se cantonne pas, et fort heureusement, à La Compagnie Créole et à Francky Vincent. Derrière les images d’Épinal et les robes madras se cache une toute autre culture. C’est cette culture que cette compilation propose de découvrir avec des artistes comme Dolor et ses étoiles, Mahy, Guy Conquète, Casimir Letang, Gérard Valton...
Beaucoup de musiques caribéennes, ou antillaises comme la Biguine, le Merengue, proviennent d'un emmêlement de la musique de quadrille européenne et de la musique africaine, les rythmiques, les percussions, les chants de transe. La Biguine est un style de musique rythmique originaire de la Guadeloupe et de la Martinique au XIXème siècle, melting-pot fusionnant les pas de la danse de salon française du XIXème siècle avec les rythmes africains.
Le gwo ka irrigue toute la société guadeloupéenne, c’est un mélange de chant en créole, de danse et de rythmes joués sur les tambours ka. Il existe principalement en Guadeloupe et est tout ou partie de son identité. Cette terre qui s’est construite sur l’extermination des tribus Caraïbes et la traite de peuples africains provenant de Côte-d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Nigeria, du Cameroun, du Dahomey, du Gabon, du Congo ou d’Angola et qui n’avait pas grand-chose à envier à l’horrible système des plantations dans le Sud des États-Unis.
Une atmosphère qu’exprime superbement le titre "Antilles Méchant Bateau" qui a donné son nom à ce disque avec cette complainte déchirante, ce saxophone comme une longue litanie entre joie et peine, cet ostinato rythmique du piano évoquant la mer, titre enregistré par André Mahy dans les années 1960 chez Cellini. Comme l’explique très bien dans le livret Jacques Denis : "blues et ka, même combat" comme une réponse au "Champs de canne, champs de coton !" de Guy Konket. Il faudra donc lire entre les lignes de ces chansons aux doux déhanchements chantées dans un français créolisé l’affirmation de leur identité créolisée.