Spectacle solo conçu et interprété par Marie Vialle d'après un texte de David Foster Wallace.
Comédienne rompue à l'art théâtral, qu'elle exerce depuis vingt ans avec les plus grands et sans rechigner sur les expériences, Marie Vialle fait désormais usage de la scène comme d'un "chez elle".
A l'instar de Jacques Gamblin, cet autre habitué des seuls en scène discursifs au Rond-Point, elle s'empare de la scène pour papoter avec le public, raconter un peu sa vie, danser, chanter et tout cela sans oublier qu'elle est en représentation, qu'elle travaille et doit donner aux gens quelque chose de consistant.
Ici, avec "Les vagues, les amours, c'est pareil", spectacle qui peut aussi s'appeler "C'est de l'eau", elle a décidé d'éclairer, de donner à voir à ceux qui ne le connaissent pas, la belle et éphémère figure de l'américain David Foster Wallace.
Ce météore de l'écriture a laissé quelques romans et s'est suicidé. Depuis, comme d'autres avant lui, sa légende ne cesse de se construire, nourrie de tout ce que draine la mort volontaire et précoce de quelqu'un de différent, qui aurait pu porter un message essentiel, qu'on essaie depuis son geste définitif de reconstituer. Comme pour chaque suicidé de la société, son œuvre future est rêvée, fantasmée, déduite des bribes éparses d'une œuvre qu'on devine majeure malgré sa maigreur.
Marie Vialle a fait de "C'est de l'eau", le discours de fin d'études qu'il a prononcé lors de la remise des diplômes du Kenyon College, en 2005, l'alpha et l'oméga de David Foster Wallace. Elle l'interprète avec une certaine gravité primesautière, consciente qu'on tient là les prémisses d'un vrai littérateur.
Ce "commencement speech" est un exercice éprouvé aux Etats-Unis. En général, ces discours sont brillants et superficiels et permettent aux meilleurs élèves d'emporter facilement les applaudissements de leurs camarades de promotion. Mais David Foster Wallace ne respecte pas les usages : son discours est profond, empreint d'une solennité triste qui cadre mal avec un jour de remise de diplômes.
Marie Vialle, qui a enquêté très sérieusement sur ce qu'être étudiant en lettres veut dire outre-Atlantique, démontre qu'avec ce morceau d'éloquence David Foster Wallace scelle déjà son destin tragique. Ayant choisi une forme libre, elle évite tout pathos.
Comme dans des spectacles précédents écrits avec Pascal Quignard, elle a endossé une grande et belle robe de princesse, cette fois-ci de couleur orange, conçue par sa scénographe Chantal de La Coste. Au fur et à mesure du déroulement de son spectacle, la robe redevient petite jupe toute simple.
Marie Vialle a la modestie de se retransformer en Cendrillon, de finir par une anecdote personnelle et chaleureuse, mais au fond d'elle-même, elle sait - elle doit savoir - qu'elle a contribué à rendre un peu plus belle la légende en train de grandir de David Foster Wallace promis à de grosses biographies et à de beaux biopics.
Sur une scène où elle peut parfois se cacher derrière un rideau de lamelles argentées, Marie Vialle dessine avec la légèreté d'une ballerine le portrait d'un encore inconnu de presque tous qui pourrait bien devenir un essentiel du siècle nouveau. Une fois encore, elle a réussi son coup, avec une habileté naïve qui cache un grand professionnalisme. |