Comédie dramatique écrite et mise en scène par Alexander Zeldin, avec Waj Ali, Emily Beacock, Rosanna Beacock, Anna Calder-Marshall, Luke Clarke, Janet Etuk, Nick Holder, Mimi Malaz Bashir et Yonatan Pelé Roodner. Au coeur d'un dispositif trifrontal, deux tables et des chaises coquilles d'une froide banalité. Au fond, des portes numérotées. D'un côté de la salle, l'entrée des sanitaires. De l'autre, un coin cuisine avec placards, évier et plan de travail.
Les premiers spectateurs seront d'ailleurs juste devant celui-ci. Un à un, les résidents de ce foyer (car on comprendra très vite où on se trouve), sortiront des chambres, évoluant entre les différents points.
Pour ce spectacle, le metteur en scène Alexander Zeldin a fait des choix forts comme par exemple celui de garder les néons de la salle allumés au dessus du public la majeure partie du spectacle. On comprend qu'il s'agisse d'abolir les frontières entre scène et salle, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas toujours très agréable au niveau de la vision selon sa place dans la salle.
Autre parti pris : les comédiens ne joueront quasiment jamais pour le public mais ce sera à celui-ci de s'introduire dans le monde de ces résidents.
Il y parviendra au terme d'un spectacle sans grande surprise mais extrêmement bien réalisé et joué par une troupe intergénérationnelle composée à la fois de professionnels et d'amateurs dirigés au cordeau dans un réalisme qui n'est évidemment pas sans rappeler les films de Ken Loach.
Dans ce lieu, foyer de transit pour des gens en attente de relogement, il y a une vieille femme et son fils, une famille recomposée dont la femme est enceinte. Autour d'eux gravitent deux autres personnages dont ils ne savent pas grand-chose : une réfugiée soudanaise énigmatique et un syrien mélomane. Des personnages secondaires pas si lointains des deux familles pourtant.... En courtes scènes, il leur donne une profondeur insoupçonnée.
La mise en scène d'Alexander Zeldin installe des silences éminemment parlants. Comme si le public faisait partie des murs, il pourra ainsi partager la vie quotidienne de ces gens. Les voir évoluer autour des toilettes ou du coin cuisine, deux lieux stratégiques objets de toutes les convoitises. Au dessus du foyer, la présence d'un grand arbre confère à ce récit une dimension mystique.
Le fait de partager leurs rituels nous fait nous attacher de plus en plus à ces personnages en lutte avec le désespoir. Des portraits particulièrement poignants comme le petite fille qui rêve de Mac Donald et ne se sent bien qu'à l'école ou le couple mère-fils qui se soutiennent dans une relation parfois conflictuelle faite d'amour-haine. Des exemples révélateurs des failles de la société.
Les problèmes des résidents pour faire avancer leurs dossiers sont mis en évidence. Nous les voyons se heurter à des murs (parois de verre dans les bureaux ou répondeurs interminables...) et perdre parfois leur courage. Une détresse prégnante devant laquelle on ne peut qu'être bouleversés.
Et pourtant, malgré cette grande incertitude devant l'avenir et la concurrence entre eux pour être relogés, des gestes d'amour parviendront à naître. La solidarité finira malgré les obstacles par triompher.
Porté par des interprètes criants de vérité, "Love" est un spectacle fort qui touche au coeur et ne peut laisser indifférent. |