Solo clownesque écrit par Catherine Lefeuvre, direction de Catherine Lefeuvre et Jean Lambert-wild, avec Jean Lambert-wild et la participation de Jean Meyrand.
Est-ce que la mer ne serait pas le plus grand théâtre du monde ? Est-il bien raisonnable d'embarquer sur un bateau "Coco" en forme de canapé quand on est un clown blanc voulant fuir un monde qui n'aime que la démagogie des Augustes ?
Ce sont des questions que se pose ou ne se pose pas Gramblanc, le clown que fait vivre Catherine Lefeuvre dans le corps de Jean Lambert-wild. Comme disait Lacan, ce clown est parlé et il est bien bavard.
Faussement cool aussi, parti pour faire pipi dans le Pacifique, ne va-t-il pas mettre "Cap au pire" comme l'aurait fait Beckett ? Au lieu de sauver son âme dans le paradis bleu ne va-t-il pas faire le constat pessimiste d'un écolo-clown sur la "disparation du vivant" dans une mer étale et sans poissons...clowns ?
En tout cas, il est bien sur scène-mer avec son visage enfariné et sa tenue de petit marin français à pompon rouge. Il ne cesse de partir pour voguer un verre à la main. Mais part-il vraiment ?
Il peut affirmer qu'il est en mer prêt à recevoir un seau d'eau pour figurer les cinquantièmes rugissants ou les soixante-dixièmes ricanants, il n'en finit pas d'appeler Jean (Jean Meyrand) son assistant-clown qui sort des coulisses pour répondre à ses caprices... Il ira même jusqu'à parler au public, à l'interroger, un micro en main, pour savoir s'il a ou pas le compas dans l'oeil !
Voyage amer autour d'une scène qu'il croit mer, Gramblanc s'enivre de lumière, s'endort entouré de dodos, ces chères volatiles à jamais disparues hors les songes.
Ce spectacle, que Jean Lambert-wild qualifie d'"entrée de clown", ne fait que quarante-cinq minutes mais contient une matière si riche que l'on aimerait se perdre plus longtemps dans sa poésie belle et cruelle.
Il s'achève par un bel hommage à Bernard Moitessier, premier et dernier à mériter le titre de navigateur solitaire, qui jamais ne connut les embruns des plateaux télés et considéra le tour du monde comme un des beaux arts et pas comme une compétition sportive.
"Un clown à la mer" se refuse aussi à ce monde normé et statistique. On ne compte pas les clowns, pas plus qu'on ne peut compter sur eux. On appelle ça la liberté, celle que Moitessier a eu raison de revendiquer haut et fort avant de se taire éternellement.
Pour l'heure, Jean Lambert-wild et son double clownesque n'ont pas encore atteint cette sérénité zen. C'est heureux pour les spectateurs prêts à le suivre dans de prochaines aventures ou "calentures" comme on dit en termes clownesques savants. |