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puce Le Fleuve sauvage ("Wild River")
Elia Kazan  1959

Réalisé par Elia Kazan. Etats Unis. Drame. 1h50 (Sortie 1959). Avec Montgomery Clift, Lee Remick, Jo Van Fleet, Albert Salmi, Jay C. Flippen, James Westerfield, Barbara Loden et Frank Overton.

L’eau déferle. Le fleuve emporte tout sur son chemin, heurte les vitres des maisons, déplace les voitures soudain devenues légères, recouvre les rues. Par vagues progressives et remous, il avance, s’insinue partout, détruit l’univers que l’homme avait cru pouvoir plier à sa volonté.

C’est une force brute, qui n’épargne personne, la manifestation d’une puissance difficile à dompter. Cette image qui ouvre "Wild river (Le Fleuve sauvage)" résume bien le cinéma d’Elia Kazan, cinéaste auquel la Cinémathèque française rend hommage du 28 novembre 2018 au 2 janvier 2019.

Chez Kazan vient toujours quelque chose qui emporte. Quelque chose vient, qui fait imploser le huis-clos, déstabilise les mondes et les communautés : un élément étranger dans "Un tramway nommé désir", la trahison dans "Sur les quais". C’est souvent la passion amoureuse ou le désir qui vient extraire les personnages enracinés sur leur terre, comme Lee Remick dans "Wild river, ou enfermés dans la moiteur du Sud, à l’image de Baby Doll dans son lit-cage.

"Dans Splendor in the grass", l’eau vive de la cascade dit la violence du désir que Deannie et Bud ressentent l’un pour l’autre, la puissante circulation des pulsions d’amour et de mort. Ce flot continu est aussi celui de l’Histoire, qui emporte les hommes dans "East of Eden" ou "Viva Zapata !", les transforme en fantômes dans "The Last Tycoon", ultime film du réalisateur sur un Hollywood disparu, peuplé d’anciennes gloires des années 1940.

Elia Kazan a souvent filmé le Sud. Ses champs de coton, sa moiteur qui épuise les corps mais exacerbe les désirs, l’accent trainant de ses hommes et de ses femmes qui se connaissent depuis des générations. Mais cette fois, ce n’est pas la chaleur affolante que filme Kazan.

Quand Chuck Glover (Montgomery Clift) arrive à Garthville, l’été touche à sa fin. Le Sud est une terre de boue, rendue meuble par les pluies abondantes qui transforment les sols en une multitude de petites rivières où l’on s’enfonce. Avec son imperméable blanc, le jeune employé de la TVA tranche sur ses paysages où l’eau et la terre ont la même couleur sombre.

La TVA, ou "Tennessee Valley Authority" lui a confié une mission : racheter toutes les terres dans un périmètre qui doit être inondé pour construire un barrage et dompter le fleuve sauvage. C’est le progrès, Chuck en est sûr. Aussi vient-il, plein de confiance, parler à Ella Garth (Jo Van Fleet), la dernière réfractaire, reine de quatre-vingts ans qui vit sur son îlot en compagnie de sa famille et de ses employés noirs.

Mais la vieille dame, aussi solide que les matriarches des westerns, refuse de quitter cette terre où elle a toujours vécu, et où elle veut être enterrée. Chuck est de plus en plus déstabilisé par l’obstination de cette femme qu’il ne peut s’empêcher d’admirer.

La situation se complique encore quand il rencontre Carol (Lee Remick), la petite-fille d’Ella, une jeune veuve, mère de deux enfants. Entre ces deux êtres qu’elle aime, Carol doit choisir son camp : rester sur une terre qu’elle aime, mais où elle meurt peu à peu, ou bâtir une nouvelle vie.

Tout se jouera alors entre deux espaces : la ville, où Chuck rentre le soir, l’îlot où est recluse Ella, avec ses grands arbres et le cimetière qui abrite les morts au sommeil paisible. Entre ces deux zones, un fleuve qu’on traverse en barge. Carol, elle, est entre ces deux mondes, dans une petite maison en bordure de l’eau que sa rencontre avec Chuck lui donne le courage de réinvestir.

Ces deux espaces symbolisent deux conceptions du monde, deux temporalités différentes et irréconciliables. Ella s’habille et vit comme au 19ème siècle, les relations qu’elle entretient avec ses employés, sur lesquels elle "veille", ne sont pas sans évoquer le vieux Sud. Chuck croit au progrès, à l’arrivée de l’électricité dans une Amérique meurtrie par la crise de 29 où Roosevelt - dont le portrait orne son bureau - est en train de lancer le New Deal.

Les images de la petite ville, durement touchée par la catastrophe financière, évoquent les photographies de Dorothea Lange et les Raisins de la colère. Dans cette nouvelle Amérique que Chuck désire, quelle est la place des Ella Garth ?

La beauté de "Wild river" tient d’abord dans la manière de poser cette question lancinante qui obsède le personnage principal, pétri de bons principes et qui s’attache à la vieille femme. C’est une lutte où personne ne veut céder un pouce de terre, mais une lutte que l’on sait perdue d’avance pour Ella, vestige d’un monde appelé à disparaître. L’émotion est d’autant plus grande que la relation entre les deux adversaires s’approfondit, s’empreint d’un respect mutuel qui rend l’arrachement final encore plus déchirant

Toute autre, par contraste, est la peinture que fait Kazan de cette petite ville du Sud. Le cinéaste en film le racisme latent dans la confrontation qui oppose les notables de la ville à Chuck, qui a décidé de payer les employés noirs autant que les employés blancs. Les menaces sous couvert de politesse, les attaques nocturnes (dignes d’un western) : le Sud, comme Chuck l’apprendra à ses dépens, garde certaines de ses caractéristiques et sa terrible violence.

L’histoire d’amour n’est pas, dans "Wild river", une simple astuce narrative destinée à rendre plus glamour un débat sur les conditions de naissance de l’Amérique moderne. Les scènes entre Carol et Chuck tirent le film vers le mélodrame (terme qui n’a ici rien de péjoratif, au contraire). Kazan joue sur la lumière d’automne, les atmosphères crépusculaires qui donnent au doux visage de Lee Remick une mélancolie profonde, une inquiétude.

En même temps, privilégiant dans les scènes de discussion entre les deux personnages une légère plongée et des gros plans pour filmer son actrice, Kazan en fait une figure déterminée, prête à avancer, à se battre, littéralement, pour son amour. Chuck, lui, est davantage en retrait. Souvent assis face à elle, qui reste debout, humilié lors des confrontations physiques, il n’est pas exactement un chevalier blanc.

Mais Kazan sait dire toute la douceur de cette relation en train de naître quand il filme Lee Remick qui attend sur le pas de la porte, une petite serviette jaune à la main. Chuck est trempé, elle lui tend la serviette.

Dans un magnifique cinémascope qui met en valeur la beauté sauvage des paysages, "Wild river" est un spectacle d’une grande intimité et d’une grande puissance. On quitte à regret ce Sud boueux et automnal où bat le cliquetis de la pluie et soù ronronne le fleuve enfin apprivoisé.

Et ce calme final nous rend un peu triste.

 

Anne Sivan         
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# 22 septembre 2019 : Fin d'été

Fin d'été c'est le titre du nouvel album de Samir Barris, on vous en parle en ces premiers jours d'automne, tout comme les autres sorties musicales, littéraires, théâtrales, cinématographiques et muséales qui ont retenu notre attention cette semaine. C'est parti !

Du côté de la musique :

"Corpse flower" de Mike Patton & Jean Claude Vannier
Rencontre avec Joseph Fisher autour de "Chemin Vert", assortie d'une session acoustique à découvrir ici
"Prokofiev : Visions fugitives" de Florian Noack
"The basement tapes" de Mister Moonlight
"The uncompleted works volume 1, 2 & 3" de Nantucket Nurse
"Là-Haut" de Gérald Genty
"Ilel" de Hildebrandt
"Buxton palace hotel" de Studio Electrophonique
"Vian" par Debout sur le Zinc
"Impressions d'Afrique" de Quatuor Béia & Moriba Koita
"Fin d'été" de Samir Barris
et toujours :
"Schlagenheim" de Black Midi
"Tokyo dreams" de Dpt Store
"Terry Riley : Sun rising" de Kronos Quartet
"Diabolique" de l'Epée
"Mer(s) : Elgar, Chausson & Joncières" de Marie-Nicole Lemieux
"Like in 1968" de Moddi
"Voodoo queen" de One Rusty Band
"Moon" de Violet Arnold

Au théâtre :

les nouveautés avec :
"L'Autre monde ou les Etats et Empires de la Lune" au Théâtre Athénée-Louis Jouvet
"Le Misanthrope" à l'Espace Cardin
"L'Animal imaginaire" au Théâtre de la Colline
"Data Mossoul" au Théâtre de la Colline
"Danser à la Lughnasa" au Théâtre 13/Jardin
"Le Frigo" au Théâtre de la Tempête
"A deux heures du matin" au Théâtre L'Atalante
"La Veuve Champagne" au Théâtre de la Huchette
"Le Square" au Lavoir Moderne Parisien
"Jo" au Théâtre du Gymnase
"Jean-Marie Galey - Ma Comédie française" au Lavoir Moderne Parisien
"Ah ! Félix" à l'Eglise Sainte-Eustache
"Le Voyage musical des Soeurs Papilles" à la Comédie des 3 Bornes
"Lucie Carbone - Badaboum" à la Comédie des 3 Bornes
"Casse-toi diva" au Théâtre La Croisée des Chemins
"Nora Hamzawi" au Théâtre du Rond-Point
des reprises
"Letzlove - Portrait(s) Foucault" aux Plateaux Sauvages
"One night with Holly Woodlawn" aux Plateaux Sauvages
"Diva sur Divan" à la Comédie Bastille
"La Liste de mes envies" au Théâtre Lepic
et la chronique des spectacles à l'affiche en septembre

Expositions avec :

"Mondrian figuratif" au Musée Marmottan-Monet
"L'Age d'or de la peinture anglaise - De Reynolds à Turner" au Musée du Luxembourg

Cinéma avec :

"Ne croyez surtout pas que je hurle" de Franck Beauvais
Oldies but Goodies avec "Marie pour mémoire" de Philippe Garrel
et la chronique des films à l'affiche en septembre

Lecture avec :

"Barbarossa : 1941. La guerre absolue" de Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri
"Bête noire" de Anthony Neil Smith
"Dictionnaire égoiste de la littérature mondiale" de Charles Dantzig
"Gaeska" de Elrikur Orn Norddahl
"Les refuges" de Jérôme Loubry
"Liquide inflammable" de Robert Bryndza
et toujours :
"Ici seulement nous sommes uniques" de Christine Avel
"Les altruistes" de Andrew Ridker
"Les yeux fumés" de Nathalie Sauvagnac
"Un autre tambour" de William Melvin Kelley
"Un mariage américain" de Tayari Jones
"Week end à New York" de Benjamin Markovits

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

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