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Cinémathèque française  (Paris)  Du 29 novembre 2018 au 4 janvier 2019

Le mois de décembre sera tchèque à la Cinémathèque française. Du 29 novembre 2018 au 4 janvier 2019, ce sera l’occasion de découvrir ou de redécouvrir un cinéma rare et précieux. Il y aura bien sûr l’inévitable Milos Forman, le plus connu sans doute des cinéastes tchèques de la nouvelle vague, avec le si beau "Les Amours d’une blonde".

Mais la nouvelle vague tchèque, c’est aussi Jirií Menzel, peintre de la vie de province : "Un été capricieux" conte quelques jours dans un village où un magicien et sa très jolie danseuse déclenchent des passions, "Trains étroitement surveillés", dans un noir et blanc splendide, suit les tribulations d’un apprenti chef de gare qui ne pense qu’à l’amour en temps de guerre.

C’est encore Vera Chytilova et ses "Petites marguerites", grandes sœurs malicieuses et punks des Julie et Céline de Rivette. Oldrich Lipsy ose même la parodie de western avec "Joe Limonade".

N’oublions pas la fable d’apprentissage "Valérie au pays des merveilles", où Jaromil Jires, sur la bande-son envoûtante de Lubos Fiser, invente un univers psychédélique et coloré, entre le rêve et le conte horrifique et "Eclairage intime" de Ivan Passer présenté en ouverture.

A travers tous ces films, c’est l’histoire d’un pays. On revient sur le passé ("Les Diamants de la nuit", de Jan Nemec, "Trains étroitement surveillés" de Menzel), on espère dans un présent où une liberté progressive semble gagner la société.

L’inventivité visuelle de ces jeunes cinéastes témoigne d’une recherche esthétique et morale : sortir des carcans, dire le monde autrement, raconter ce que l’on n’a jamais raconté. Un vent de liberté qui empreint encore tous ces films*.

Eclairage intime.
Réalisé par Ivan Passer. Tchécoslovaquie. Comédie. 1965. 1h11(Sortie 1965). Avec Karel Blazek, Zdenek Bezusek, Vera Kresadlova, Jan Vostrcil et Jaroslava Stedra.

Qui mangera la cuisse de poulet ? La grand-mère l’avait d’abord donnée aux invités, mais les enfants en avaient tellement envie que Stepa a préféré la leur donner. Sauf que ladite cuisse a très vite atterri dans le verre de bière du grand-père, qui s’est tout de suite mis en colère.

Du coup, c’est finalement lui qui va manger la cuisse. Les invités se partagent le croupion, pas facile à couper, et qui finit lui aussi hors de l’assiette. Cette danse de la nourriture loufoque illustre bien l’humour de ce film d’Ivan Passer, tout en circulation et en échanges drolatiques.

Les invités, ce sont Petr et sa petite amie, la belle et voluptueuse Stepa (Vera K?esadlova). Petr (Zdenek Bezusek) est violoncelliste, et vient répéter pour le week-end avec son ami Bambas. Bambas (Karel Blazek) vit à la campagne dans une maison qui vient tout juste d’être achevée. "Sept ans de construction", explique Bambas à son ami. Il faut dire que construire une maison donne soif, et qu’on estime qu’une cuite régulière est nécessaire pour se remettre d’une telle entreprise. "Ça doit faire environ 800 cuites", déclare Petr en regardant la maison d’un œil expert.

"Eclairage intime", chronique d’un dimanche à la campagne, est un film solaire. Devant la maison pousse des arbres fruitiers, les épis de blé se balancent doucement le long des petites routes poudreuses où ne passent que de rares voitures. A travers un ensemble de saynètes, Ivan Passer, qui signait alors son premier film, dépeint un petit monde avec ses rythmes et ses coutumes.

On rit beaucoup devant la fantaisie de cet esprit qui fait suivre un plan d’une poule morte avec une procession funéraire portant un cercueil. Même la présence de la mort ne parvient pas à amoindrir la bonne humeur des personnages.

Ivan Passer privilégie en effet les petits détails, allant jusqu’à une trivialité salvatrice, pour montrer des personnages qui bougent, mangent, font l’amour. Alors qu’on poursuit la cérémonie funéraire à l’église, les hommes, tout de noir vêtus, sont alignés le long d’un mur et se soulagent. Une femme ratisse son jardin en bikini. Autant de visions de chair vivante qui ponctuent le film et font sa vigueur.

La musique est partout. Dès l’ouverture, un chef d’orchestre dirige un groupe de musiciens que l’on tarde à voir, maître magicien qui fait surgir la musique du vide. Le talent de Bambas et de Petr, c’est d’ailleurs d’entendre de la musique en permanence, ou de la savoir la faire naître d’un rien, d’une table dont on caresse le bois, d’un verre qu’on pose un peu brutalement.

Lors de leur nuit d’ivresse, la maison même devient une sorte de corps musical où les différents ronflements des habitants sont autant de sections d’un orchestre fantaisiste. Derrière chaque porte, il y a une musique propre à chacun.

La répétition, quant à elle, est plus difficile à mener. Petr, Bambas, le grand-père et le pharmacien à la retraite sont à leur pupitre pour jouer Mozart. Mais les deux vieillards peinent à jouer. Le bruit de leurs conversations supplante bientôt la musique et vient ponctuer les coups d’archets, de plus en plus excédés, d’un Bambas au bord de l’implosion. Le pharmacien chante, commente la partition, parle de son petit doigt qui s’engourdit.

Les femmes se mettent aussi de la partie : la grand-mère vient voir s’ils n’ont besoin de rien, Stepa à la fenêtre brandit les petits chatons qu’elle a trouvés dans le jardin et appelle Petr. Il aura beau pester face à cette interruption intempestive, il passera tout le reste de la répétition à jeter des coups d’œil par la fenêtre pour essayer d’apercevoir son amie.

Cette séance musicale voit la naissance d’un très beau morceau de cinéma, où les voix, les regards et les gestes se mêlent à la musique pour en faire une matière vivante, soumise aux vicissitudes extérieures.

Mais "Eclairage intime" n’est pas sans mélancolie. Pris d’ivresse, Bambas avoue à Petr ses doutes sur son existence. La famille, la voiture, la maison, tout cela est aussi un poids. Ne rien avoir, comme Petr, c’est avoir l’avenir devant soi.

La maison est un espace bondé, où trois générations se rencontrent en permanence, où l’intimité est chose difficile. Il y a toujours quelqu’un derrière une porte. Stepa surprend la grand-mère en train de se faire masser, les deux vieux peuvent suivre les ébats de leurs voisins en écoutant leur lit grincer, les poules mêmes envahissent les espaces destinés aux humains. Savoir ainsi tout les uns des autres est épuisant.

Œuvre de lumière et de vie, "Eclairage intime" est une chronique tendre, parfois mélancolique, d’un quotidien fait de petits riens : l’apparition d’une femme au détour d’un jardinet, un jeu d’enfants, un verre qu’on vide avec des amis. La loufoquerie et le sens de l’absurde d’Ivan Passer illuminent ce premier film singulier qui a la douceur des beaux jours disparus.

 
* Beaucoup de ces titres sont désormais disponibles en DVD, notamment grâce aux efforts du distributeur et éditeur Malavida.

Anne Sivan         
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