Seul en scène performatif d'après le roman éponyme de Guillaume Dustan interprété par Hugues Jourdain. La transposition scénique de la prose de cette météorite littéraire surmédiatisée et polémique que fut Guillaume Dustan, qui appartient à la génération d'homosexuels décimée par le VIH, constitue une entreprise aussi audacieuse que téméraire dans laquelle le jeune comédien Hugues Jourdain s'engage avec une rare intensité dramatique.
Et ce, avec un seul en scène, qu'il indique ancré dans sa militance personnelle, conçu à partir du roman-récit "Dans ma chambre" paru en 1996, considéré par son auteur comme le premier opus d'une "odyssée du sexe gay" qualifiée d'autopornographie.
Il initiait une décennie d'écriture pratiquée simultanément comme une alternative à la folie et une expérimentation radicale de l'autofiction dégagée de tout psychologisme à l'instar de la frénésie sexuelle soutenue, ou suscitée, par la consommation massive d'alcool, de stupéfiants et de drogues médicamenteuses pratiquée comme un inhibiteur de la pensée.
Pour atteindre "le degré zéro de la pensée" face à la mort annoncée qui, par ailleurs, autorise une expérimentation de la sexualité sans limites par celui qui n'a plus rien à perdre.
Le spectateur est immédiatement immergé dans un inframonde, celui du ghetto homosexuel des années 1980-1990, dans lequel le narrateur s'épuise dans la recherche de "la baise du siècle" avec la description triviale et crue de pratiques extrêmes dépourvues tant d'érotisme que d'incitation fantasmatique.
Car, même si Guillaume Dustan l'inscrit dans une posture de subversion morale, sociale et politique, cette hypersexualité procède du simulacre pour voiler la quête amoureuse primordiale consubstantielle à l'être humain tout comme, nonobstant l'aspect trash-gore assumé, elle révèle l'intériorité d'un personnage investi par l'ennui existentiel et le désespoir en livrant le corps de l'homme à la féroce empoignade d'Eros et Thanatos. Hugues Jourdain dispense une sidérante performance entre mimésis et catharsis qui, par son identification à l'auteur-personnage, sème le trouble quant au paradoxe du comédien et incite à une réflexion sur la notion de représentation comme entité esthétique en laissant pantois l'auditoire qu'il soit dans l'effarement ou la compassion.
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