"What I’ve come to realize is all music is political (…) It’s not like I’m inserting politics into my songs, it’s just there, just like it’s inherently personal (…) But parts of me are in it, when people ask if my work is "political" or "personal", yes it’s both of those things, as is all art, all art is political and personal whether it wants to be or not." Julia Holter
Il y a des disques dont on sait dès la première écoute qu’il en faudra de très nombreuses autres pour l’apprécier pleinement, le comprendre et le goûter à sa juste valeur. Cet Aviary en fait partie. Mais c’est quelque chose de récurrent chez la chanteuse Américaine, c’est même une marque de fabrique : un univers sonore sophistiqué n’oubliant jamais d’être mélodique, s’affichant comme la digne fille spirituelle de Laurie Anderson et de Kate Bush, de celles qui concilient avant-garde, musiques ambitieuses et émotions.
Telle une prêtresse, d’une sensibilité évanescente et irradiante confinant parfois à un abandon des sens, entre rock, pop, "classique", jazz, folk, musiques traditionnelles ou médiévales (elle entretient des liens resserrés avec la littérature et la musique du Moyen Age) et polyphonies vocales, elle semble souvent survoler de sa voix les chansons, entre instruments terrestres et voix aériennes, rythmes et percussions comme un cœur battant.
Elle travaille sur les timbres, le grain sonore, les atmosphères, les différentes dynamiques et harmoniques. Tout un monde lointain. Elle va jusqu’au bout de ses idées, les chansons ne peuvent pas durer deux minutes trente, elles affichent donc en majorité le double voire le triple. De toute façon, une fois le disque lancé, le temps n’a plus d’emprise sur l’auditeur. 90 minutes environ, c’est le temps de cet Aviary. 90 minutes où les formes et les structures traditionnelles sont constamment renversées. 90 minutes où il faut autant avoir une vue d’ensemble sur ce disque que sur ces nombreux détails.
Chaque instrument est agencé en fonction de ses qualités sonores, de la façon dont il accompagnera les autres, du monde qu’il développe (la harpe Ravélienne dans "Voce Simul" est un exemple parmi beaucoup d’autres) avec forcément une noblesse dans la recherche de couleur et de sonorités magiciennes. En cela, elle n’est pas si éloignée d’Olivier Messiaen avec ces couleurs et cette musique qui évoque le chant des oiseaux.
Le titre de l'album provient d'une réplique d'une nouvelle de Etel Adnan : "I found myself in an aviary full of shrieking birds". Et c’est peut-être là le sommet de ce disque, cette profondeur de son avec des arrangements aussi éclatants qu’élégants, au-delà d’une écriture parfois nébuleuse pourtant d’une rare finesse, dans sa conception contrapuntique notamment, mais que l’on retrouve dans ses paroles qui ont tendance à être parsemées de références historiques et de citations ésotériques. Ce n’est pas un hasard donc si on a souvent l’impression de planer, comme en apesanteur. Un disque dont il ne faudra absolument pas se priver !
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
Un peu de soleil, des oiseaux qui chantent, le calme avant la tempête olympique. En attendant, cultivons-nous plutôt que de sauter dans la Seine. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.