Réalisé par Ryusuke Hamaguchi. Japon/France Comédie dramatique. 1h59 (Sortie le 2 janvier 2019). Avec Masahiro Higashide, Erika Karata, Koji Seto, Daichi Watanabe, Sairi Itô, Kôji Nakamoto, Misako Tanaka et Rio Yamashita.
Pour le cinéma japonais, l'année 2018 aura été une grande année. Que ce soit du côté de l'animation, avec quelques chefs-d'oeuvre de plus comme "Mirai, ma petite sœur", ou de la fiction avec évidemment la Palme d'Or accordée à Hirokazu Kore-Eda pour "Une affaire de famille".
Elle aura été aussi la confirmation du grand talent de Masahiro Higashide, dont on avait pu voir il y a quelques mois le film fleuve "Senses".
Asako, c'est une jeune fille japonais, qui tombe amoureuse de Baku, un garçon mystérieux, un mélange de "bad boy" et de "Rimbaud". Quelqu'un de pas conventionnel du tout à l'heure qui électrise Asako à l'heure où elle termine ses études et qui pourrait l'entraîner dans une vie pas commune, loin de ce qu'on attend d'une gentille fille bonne élève.
Mais ce qu'il lui avait prédit advint : il disparaît du jour au lendemain... La laissant seule avec un amour énorme devenu un vide énorme.
Au point qu'elle quitte Osaka pour Tokyo et qu'elle fait formellement son deuil de l'amour perdu qu'elle n'arrive pas à retrouver, mais qu'elle se sent incapable de vivre autre chose... Sauf qu'un jour, après de longues années, elle tombe sur le "double" de Baku, le double "gentil", voire banal, en la personne de Ryohei.
Va-t-elle tomber amoureuse de cette réplique apparemment lisse ? Que se passerait-il alors si Baku, comme il lui avait dit aussi, finissait irrémédiablement par revenir ? Comment s'en sortirait-elle ?
"Asako I & II" de Ryusuke Hamaguchi pourrait n'être qu'un film à l'eau de rose tiré d'un roman d'amour, mais c'est sans compter sur la patte brillante d'un réalisateur qui sait parler d'un âge que l'on ne voit que rarement dans les films nippons, celui des jeunes adultes proches de la trentaine. Ceux pour qui les portes sentimentales se referment et qui doivent accepter la position que le sort leur a accordé.
Le dilemme qu'Asako va soudain vivre n'est pas donné à tout le monde au Japon. Elle peut choisir, ou croit pouvoir choisir, entre un Rimbaud devenu Kurt Cobain, et un garçon ordinaire pour qui elle ne sera pas une muse mais une compagne dans la vie, celle qui sera avec lui dans les joies et les épreuves du quotidien.
Chosira-t-elle l'aléa au risque d'y laisser corps et âme, ou la rectitude d'une vie semblable à bien des vies...
Prenant, émouvant, discernant bien ce qu'être jeune peut être quand la gravité de l'existence se fait tout à coup, "Asako" de Ryusuke Hamaguchi est un film fort qui vaut aussi par le couple formé par Erika Karata et Masahiro Higashide.
La réunion d'une comédienne encore débutante, et parfaite pour le rôle, et d'un comédien expérimenté déjà starifié n'était pas évidente, d'autant que Masahiro Higashide devait jouer les deux personnages semblables mais très différents se succédant dans le cœur d'Erika Karata.
À l'instar de quelques réalisateurs coréens, Ryusuke Hamaguchi se réclame d'Eric Rohmer et l'on ressent effectivement une parenté diffuse entre le maître français et le jeune cinéaste nippon dont le cinéma n'en est qu'à ces prémisses.
Si l'on peut voir ici quelques réminiscences de "Ma Nuit chez Maud", reste à savoir si l'oeuvre à venir du jeune japonais emboîtera le pas de l'auteur des "Contes Moraux" vers un cinéma délicatement cérébral et espièglement joueur. On l'espère ! |