Comédie dramatique d'après un roman de Julie Otsuka, adaptation et mise en scène Richard Brunel, avec Simon Alopé, Mélanie Bourgeois, Youjin Choi, Yuika Hokama, Mike Nguyen, Ely Penh, Linh-Dan Pham, Chloé Réjon, Alyzée Soudet, Kyoko Takenaka, Haïni Wang et Natalie Dessay. Avec "Certaines n'avaient jamais vu la mer", le metteur en scène Richard Brunel propose une adaptation scénique d'un opus de la romancière américaine d'origine japonaise Julie Otsuka consacré à l'émigration japonaise du début du 20ème siècle qu'elle a conçu comme une récit mémoriel à fins de résilience pour libérer la parole tue et de réconciliation avec le passé par sa reconnaissance de l'Histoire.
Et plus particulièrement sur le sort de jeunes nippones d'origine plébéienne qui se trouvent confrontées à une double voir une triple peine du fait de leur condition d'émigré et de femme.
En effet, à la désillusion inéluctable des naïfs croyant à l'Eldorado de l'ailleurs s'ajoutent la déconvenue résultant du mirage du mariage sur catalogue avec des compatriotes nantis, un catalogue manipulé par la marieuse voire des parents qui vendent leur fille, s'avérant des ouvriers frustres et l'astreinte aux travaux subalternes les plus pénibles, de l'agriculture à l'usine, ou ceux considérés comme humiliants, tels les emplois ancillaires.
De plus, y concourent la difficulté à s'intégrer en raison du choc civilisationnel et de la xénophobie ambiante engendrant une ségrégation de fait et un repli communautaire dans des quartiers dédiés. Et pire encore, la déclaration de guerre du Japon signifiée par l'attaque de Pearl Harbour alimente la paranoïa de l'espion-taupe qui les condamnent à la déportation dans des camps d'internement, fait historique souvent méconnu.
Avec la traduction française de Carine Chichereau, la collabration à la dramaturgie de Catherine Ailloud-Nicolas et la scénographie distanciée d'Anouk dell’Aiera qui ne vise pas au naturalisme, Richard Brunel procède à une transposition illustrée du récit original.
Introduit par les visages des comédiennes en gros plan pour s'achever avec ceux de photographies d'époque, à la frontière du théâtre documentaire et du théâtre narratif, la transposition de Richard Brunel, dépourvue de scènes de confrontation, ressort au théâtre d'émotion. Le profil et le périple de ces femmes anonymes sont dessinés sous forme de fragments de vies, toutes différentes et cependant semblables par leur souffrance et leur destin dispensés de manière chorale, avec une fluidité quasi-chorégraphique.
Et leurs voix sont portées par des comédiennes - Mélanie Bourgeois, Yuika Hokama, Linh-Dan Pham, Chloé Rejon, Alyzée Soudet, Kyoko Takenaka, et Haïni Wang - qui composent un choeur polyphonique face à leurs homologues - Simon Alopé, Youjin Choi, Mike Nguyen et Ely Penh - campant de simples silhouettes masculines. Tous s'effaceront pour rejoindre les invisibles occultés par l'Histoire comme au regard de la "wasp" de la bonne société américaine (Nathalie Dessay) qui accepte les états de fait, n'a pas compris ce qui se passait, n'a pas vu ou du moins n'a pas réagi, constatant simplement que les citoyens japonais avaient disparu du paysage.
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