Créateur d’univers feutrés et délicats, envoûteur de corps abandonnés, enchanteur de passions, Andréel est un peu de tout ça, et un peu plus encore. Parce qu’il ne se cantonne pas au confort de son canapé, il se livre à une ode à la femme dans ce sixième album L’étrangère.
L’idée lui a été inspirée du film du même nom, dans lequel une femme réfugiée est rejetée par sa famille pour des raisons que certains avoueront être aussi honorables que d’autres trouveront détestables. Charmant Andréel la sauve : "Ils te jugent pour des raisons qui m’indiffèrent, bienvenue ici chez moi, je prendrais soin de toi" ("L'étrangère").
L’artiste ne se contente pas de dénoncer ces injustices, il porte le courage nécessaire pour agir concrètement. Et tout ça entre trompettes et accordéons, du soleil et des percussions qui réveillent le Chico-la-banane en nous. L’étrangère ressemble au feutré de la bossa nova, les pas glissent en silence, en toute grâce et légèreté, ça frétille et ça frimousse là en dedans, vers ce palpitant que nous n’écoutons pas toujours battre, faute de temps, pour ne pas que la sensibilité dépasse, faiblesse pourtant indispensable aux hommes.
L’étrangère assume pleinement la sensibilité justement, rare qualité réservée à tort aux seules femmes pendant des millénaires, être un homme signifiait étouffer ce sentiment de pédé. Grossière erreur. Les hommes semblent beaucoup plus doués que certaines femmes pour ces penchants humanistes.
La touche personnelle d’Andréel est de garder sourire et tête haute, sinon l’album ressemblerait à un énième gémissement insupportable qu’on aurait juste envie de fuir loin loin loin… "J’en ai assez d’entendre ces chansons qui traitent de l’amour et des sujets importants, mais qui oublient que tous les jours on se brosse les dents, on descend les poubelles et on fait la vaisselle" ("J’en ai assez").
Réaliste et nonchalant, fin observateur et acteur, l’artiste a confectionné son album comme une authentique courtepointe, fait de bribes et de brocs, enregistré à la maison, arrangé par himself, visité par ses rencontres et duos, L’étrangère a le charme discret des souvenirs flagadas, les ménisques détendus et la hargne au placard. Et malgré la gravité de certains sujets (les violences faites aux femmes, les exils forcés, les rejets, la solitude et la perte), on sort de l’écoute plus léger, avec des envies de sourires et de quotidiens à illuminer.
Tombé dans la musique populaire brésilienne, Andréel imprègne son album d’une chaleur bienveillante, comme une main tendue, un sourire anonyme, une lueur dans le noir. Il porte un peu des malheurs du monde sur ses épaules, et avec sa musique, l’allège de ses connards et connasses colporteurs de préjugés et de critères sélectifs. "On brûlera nos gants, on vivra nus et grands, on ira se laver à l’huile des cocotiers" ("Un moment excellent"). Bouge pas, j’arrive.
Abonnez vous à la Newsletter pour recevoir, outre les mises à
jour en avant première, des infos de première importance et peut
être des choses dont vous n'avez même pas encore imaginé
l'existence et l'impact sur votre vie... et nous non plus.