Texte de Ivan Viripaev, mise en scène de Galin Stoev, avec Pauline Desmet, Sébastien Eveno, Nicolas Gonzales et Marie Kauffmann. out dans "Insoutenables longues étreintes", la partition du dramaturge russe Ivan Viripaev affirme sa singularité en résistant notamment à la convention théâtrale.
Descriptive et dépourvue de psychologisme, revêtant essentiellement la forme du "talk-show" avec l'interpénétration de monologues, narrations et flux de pensée de protagonistes, se racontant parfois à la troisième personne, dispensés en adresse au public, elle relate leur destin semblable et croisé à la manière de la ronde schnitzlérienne.
Quatre personnages qui sont autant de diffraction du même modèle archétypal générationnel, le trentenaire nomade, en état chronique de malaise existentiel, sans projet de vie ni vision d'avenir et qui, au lieu de vivre, ratiocine sur le sens de la vie.
Ainsi, à New York, Charlie (Nicolas Gonzales), descendant du Nouveau Monde en panne du rêve américain, et trois européens de l'Est - la polonaise Monica (Marie Kauffmann), la serbe Amy (Pauline Desmet) et le tchèque Christophe (Sébastien Eveno) qui ont transité par Berlin, autre ville mythique, souffrent d'un "manque de totalité et de réalité authentique".
En d'autres termes selon la terminologie contemporaine, ils sont en "quête de sens" et celui-ci va leur être signifié à l'instar d'une révélation mystique profane par leur connexion avec l'Univers, entité pourvu d'une voix qui délivre son dogme constitué de principes - l'amour est le principe fondamental du mouvement qui lui-même est le principe fondamental de l'impulsion elle-même principe de vie – avec pour acmé une expérience de mort imminente.
Sur le fond, pour certains la partition sera considérée comme traitant de la dialectique entre le réel, l'irrationnel, l'onirique et l'existentiel sur le thème du voyage initiatique intérieur par la voie d'une spiritualité pseudo-profane qui, après la mort de Dieu scellée au 20ème siècle, apporte consolation et espérance par la croyance en une entité investie du rôle d'Etre suprême.
Pour d'autres, elle résulte d'un extravagant syncrétisme entre le délire schizoïde matérialisé par un dialogue en soi avec un autre immatériel et invisible, la théologie cosmique et l'holisme ontologique avec la pratique d'origine chamanique de l'alignement énergique.
Cela étant, dans une scénographie polysémique d'Alban Ho Van, une boîte noire qui évoque tant la chambre capitonnée des institutions psychiatriques avec ses deux boites de contention en plexiglas que l'espace mental avec sa multitude de cellules cérébrales, et sous la rigoureuse direction d'acteur de Galin Stoev qui connaît bien la prose viripaevienne, le quatuor dispense une prestation aussi investie qu'émérite.
|