Réalisé par Michaël Dacheux. France. Drame. 1h23 (Sortie 30 janvier 2019). Avec Paul Delbreil, Adèle Csech, Samuel Fasse, Jean-Christophe Marti, Thibaut Destouches, Shirley Mirande, Pascal Cervo et Françoise Lebrun.
Ces temps-ci, le cinéma français donne de bonnes nouvelles. Après "Un violent désir de bonheur" de Clément Schneider, "Ma vie avec James Dean" de Dominique Choisy, voilà "L'amour debout" de Michaël Dacheux qui s'inscrit clairement dans les pas d'Eric Rohmer, même s'il se met cinéphiliquement plutôt dans ceux de Jean Eustache.
On dit et on maintient Eric Rohmer comme référence de son premier film parce qu'on y découvre le même plaisir à filmer Paris et un Paris très personnel, la même envie de faire un film dans lequel, si on est attentif, on apprend des choses (et ce n'est pas un hasard si Léa est guide dans Paris et si Tristan, le logeur de Martin, fait des expériences au Palais de la Découverte) et le même goût pour les personnalités aussi singulières en tant que personnages qu'en tant que personnes (comme Jicé, Jean-Christophe Marti le compositeur lunaire à la sauce boulézienne)
A la différence de Rohmer, Michaël Dacheux ne recherche pas des héros forcément "beaux". A l'ère des selfies et du numérique où tout le monde n'hésite pas à "partager" ses photos, l'esthétique rohmérienne est peut-être la seule chose qui ne fait plus recette. Les "rohmériennes" de Michael Dacheux sont franchement quelconques, mais, en contrepartie sont moins naïves et moins bavardes. N'empêche qu'Alicia, la "coloc" de Léa est un vrai personnage digne de "la" Rosette de Rohmer et qui prend, peu à peu, scène après scène où elle apparaît, de la consistance et de la drôlerie.
Bien évidemment, il n'aurait pas été question que Martin quitte Léa pour un garçon dans le cinéma d'Eric Rohmer, ni qu'il montre ses attributs. Mais il faut bien qu'il y ait des preuves dans le cinéma de 2018 que les temps ont un peu changé depuis "Le Genou de Claire" ou même "La Maman et la putain", film emblématique d'un réalisateur pré-quadragénaire qu'on sent vraiment heureux d'avoir pu embarquer François Lebrun dans son premier long-métrage.
Ce que "L'amour debout" de Michaël Dacheux partage avec ses grands devanciers qu'il considère sans doute comme ses maîtres, c'est une énorme bienveillance avec tous ses personnages.
Aucun n'est jamais négligé ni humilié dans un plan indigne. Au contraire, tous ont leur chance. Ainsi, Bastien, le beau garçon qui tend les bras à Martin et lui ouvre les portes de l'homosexualité, initie une très jolie scène qui se termine dans un bar gay.
Pareillement les amis de Martin qui ne pourraient être là que pour faire avancer l'action finissent par revenir. Dacheux réussit particulièrement bien les scènes conviviales où les uns et les autres se retrouvent à des degrés de connaissances diverses et qui aboutissent finalement à des tablées où il fait bon être et où l'on a l'air de bien manger et en agréable compagnie.
Avant de laisser chacun découvrir cette agréable ambiance que "L'amour debout" de Michaël Dacheux génère, il faudrait peut-être rappeler qu'à l'origine le film raconte la séparation de Léa et Martin et qu'on les suit, chacun de leur côté, dans l'après de leur douloureuse séparation. C'est donc un joli conte sur la vie qui suit un amour défait qui est tout sauf une défaite.
Qu'on se le dise : on est bien dans ce film qu'il faut éviter de rater surtout si l'on aime Eustache et Rohmer, et qu'on espère être le premier film d'une longue série d'oeuvres qui auront la même simplicité, la même sincérité et le même appétit de filmer avec curiosité des gens qui le méritent. |