C’est un véritable ode à la marginalité que nous propose cet ouvrage écrit par J. J. Amaworo Wilson, auteur né d’un père britannique et d’une mère nigériane, ayant vécu dans de nombreux pays avant de venir s’installer aux Etats-Unis. Son premier roman, Les dévastés, qui vient de sortir aux éditions de l’Observatoire nous raconte l’histoire de ces 600 dévastés au cœur d’un bidonville vénézuélien.
L’histoire s’inspire d’un gratte-ciel de soixante étages existant à Caracas qui fut le refuge et le squat de six cent sans abris entre 2007 et 2015. Cette tour, construite (mais jamais terminée à cause d’une crise bancaire) sur une ancienne décharge et un ancien lieu de guerre porte le nom d’un magnat qui la fit construire sur un terrain exproprié dans la violence. Torres, le propriétaire dut alors utiliser les méthodes fortes pour déloger ces 600 dévastés qui l’occupaient.
Ces dévastés, vous l’avez compris, sont des sans-abris, des sans pays et des sans destin. Parias magnifiques sous la plume de l’auteur, ils fondent leur espoir sur un homme, un certain Nacho Morales. Nacho Morales est un polyglotte estropié, un prophète athée, un joueur d’échec cultivé qui conte des histoires pour faire comprendre le monde à son peuple, voulant les amener jusqu’à la terre promise. C’est lui qui a décidé d’établir ces dévastés dans la célèbre tour des Torres, un gratte-ciel abandonné dans la mégalopole de Favelada.
Ensemble, ils vont connaître une aventure épique et spectaculaire que nous raconte l’ouvrage pour faire face à un déluge biblique. Ils vont affronter des policiers corrompus, une armée de libellules et des gangsters totalement illuminés. Une lutte intense va s’amorcer, une lutte héroïque et comique qui va leur permettre de conserver la vie et leur dignité.
L’ouvrage nous fait au départ découvrir cette tour incroyable, une sorte d’Etat dans l’Etat dans laquelle une communauté s’est installée sur un tas de déchets. L’auteur mêle fantastique, surréalisme et réel dans ses écrits avec une telle virtuosité qu’il nous embarque au milieu de descriptions incroyables de cet édifice peuplé par une kyrielle de personnages hauts en couleurs. Leur arme est l’espoir, ils n’ont rien à perdre face à l’oppresseur et la précarité est leur refuge.
Sans véritable intrigue, il nous offre aussi une critique acerbe de la mondialisation et du capitalisme qui s’exerce sur les populations les plus pauvres. Les courts chapitres se dévorent les uns après les autres, portés par une écriture incisive et percutante et des titres qui nous annoncent à chaque chapitre les rebondissements que l’on va lire.
Les dévastés est un roman coup de poing, un livre percutant d’une très grande originalité que je vous conseille vivement. |