Réalisé par Bernardo Bertolucci. Italie. Policier. 2h06 (Sortie version restaurée le 13 février 2019 - 1ère sortie 1962). Avec Francesco Ruiu, Giancarlo de Rosa, Alvaro d'Ercole, Romano Labate, Lorenza Benedetti, Carlotta Barilli, Alfredo Leggi et Gabriella Giorgelli.
Bernardo Bertolucci est mort e, novembre 2018. Voir ou revoir "Les Recrues", son premier film, tourné d'après un sujet que lui avait inspiré Pier Paolo Pasolini, c'est découvrir les débuts d'un cinéaste peut-être un peu sous-estimé, paradoxalement à cause des films qui firent son succès, comme "Le Dernier Tango à Paris" ou "Le Dernier empereur".
Avant d'être éclectique et de devenir un cinéaste international capable de tourner des superproductions et d'y perdre un peu son âme ("Little Buddha", "Un thé au Sahara"), Bernardo Bertolucci a été avec Marco Bellochio à la pointe du renouveau du cinéma italien.
En voyant "Les recrues", qu'il signe, après avoir été le premier assistant de Pier Paolo Pasolini pour "Accatone", on ne peut s'empêcher d'y retrouver l'influence de la Nouvelle Vague, et particulièrement celle de Jean-Luc Godard. Trois ans après "A Bout de Souffle", Bertolucci fait de Rome l'héroïne d'un film, comme Paris était celui du chef d'oeuvre de Godard.
Ici, c'est sous forme d'une enquête policière que le film se déroule et revient sur les faits. Un certain nombre de jeunes gens (voyous, étudiants, militaires) se baladent dans la ville et finissent par atterrir à la nuit tombée au Parc Paolino, haut-lieu de la prostitution romaine.
Une jeune femme qui se prostitue la nuit a été découverte au petit matin, inerte, tuée par un de ses possibles clients. Tous les protagonistes du film, qui vont être interrogés et dont on va suivre les errances romaines, l'ont vu ou auraient pu la voir. L'un d'eux l'a assommé de coups jusqu'à lui ôter la vie.
Pas de morale dans ce film presque "documentaire" où l'on suit des jeunes gens en pleine lumière, mais déjà capables de dissimuler une part d'ombres. Le sexe est partout présent, pas encore vraiment libéré.
Rome est une ville paradoxale, régénérée par des constructions nouvelles et toujours gangrénée par la pauvreté. Les bidonvilles sont partout, les filles qui s'offrent pour quelques lires aussi, sur un terrain machiste propice au pire des sorts pour celles qui jouent aux louves romaines...
"Les recrues" de Bernardo Bertolucci annonce un grand cinéaste. Evidemment, il est encore très marqué par sa proximité avec Pier Paolo Pasolini, sa poésie noire et vénéneuse, et hésite entre Nouvelle Vague et néo-réalisme.
Les choses vont bientôt se décanter avec les frémissements "révolutionnaires" de "Prima della rivoluzione" (1964), donnant l'occasion à Bernardo Bertolucci de s'affirmer. Il faut revoir son œuvre par le début et ne pas oublier qu'il a donné quelques grands films, dont le dernier qu'il ait tourné, "Moi et Toi" (2012), mériterait d'être revu car c'est incontestablement l'un des plus beaux de cette décennie qui s'achève. |