Monologue-conférence écrit par Carla Bianchi et Antoine Léonard et interprété par Carla Bianchi dans une mise en scène de Papy. Qui accueillera la cinquantaine de migrants bloqués sur un bateau au large de ce petit village près de la mer ? C'est la question que vient poser Maria Pistacchio, directrice du projet "Migrando", lors de cette assemblée générale extraordinaire convoquée en urgence, et où les habitants conviés vont devoir voter.
C'est un village à l'abandon où les commerces ferment les uns après les autres et les jeunes s'en vont. Marie Pistacchio pour tenter de convaincre l'assemblée explique comment l'accueil de ces nouveaux venus pourrait redynamiser le village. Elle s'appuie sur des études officielles et des expériences déja réalisées.
C'est bien sûr en s'inspirant du village calabrais de Riace en Italie, réhabilité par les villageois aidés des migrants, que Carla Bianchi, italienne d'origine, a construit ce spectacle où le public présent figurera les habitants du village à qui elle s'adresse.
On avait pu apprécier le naturel, la personnalité et le dynamisme de la comédienne lors de son précédent spectacle, "Carla Bianchi - Un amour de la France à ma sauce italienne" il y a deux ans. Elle revient avec cette nouvelle création écrite avec Antoine Léonard, plus engagée mais dans laquelle on retrouve sa décontraction et sa capacité à installer un rapport intime avec le spectateur.
"Migrando" n'est pas seulement une conférence puisque d'autres points de vue se font entendre dans le village. C'est l'occasion pour Carla de camper un personnage totalement différent avec la désabusée Madame Martinez, opposée au projet. C'est aussi l'occasion pour elle, dans ce spectacle interactif et détendu, de faire la radiographie du public du jour et de ses origines. Le résultat est assurément surprenant, balayant ce soir-là par exemple, quatre continents du Brésil à l'Inde en passant par la Russie ou le Maroc.
Un autre moment assez saisissant est la comparaison de deux photos. La première, récente, montre des migrants marchant dans l'ascension d'un col de montagne entre l'Italie et la France. La seconde photo, prise quasiment au même endroit en 1946, montre des immigrés italiens dont les enfants allaient devenir des vedettes françaises (Yves Montand ou Lino Ventura par exemple).
D'un débit continu au début, elle passe à des moments très beaux dans la dernière partie, où elle transmet avec simplicité au public son humanisme et son espérance en des lendemains plus fraternels. Ses moments de silence sont alors de vrais instants de grâce.
Le tout, mis en scène avec finesse et intelligence par Papy qui lui laisse par exemple la possibilité de parler des pâtes ou de sa vie de comédienne, resserrant le tempo quant il faut.
Une sincérité qui ne trompe pas et qui, malgré des choses parfois déjà vues, donne un spectacle particulièrement troublant dont on ne peut sortir que touchés au coeur.
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