Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Ludovic Lagarde, avec Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux.
"La Collection" de Harold Pinter constitue un opus jubilatoire et essentiellement ludique nonobstant le fait d'être souvent qualifié de thriller psychologique sur le mensonge.
En effet, il est basée sur le jeu, celui auquel se livre les personnages, telle une "fake party" selon le mode "Action ou vérité ?" pour abouliques existentiels , et celui que mène l'auteur avec le spectateur auquel il propose une partition ouverte en forme de QCM théâtral laissant le dénouement à sa discrétion.
L'intrigue nouée hors champ repose sur le conventionnel trio du vaudeville et du théâtre de boulevard mais dans la configuration homoérotique singulière mari, amant et amant de l'amant.
En effet, elle repose sur l'aveu d'une infidélité occasionnelle d'une femme mariée, "one-shot" inconséquent qui conduit le mari à mener l'enquête pour connaître l'identité de l'amant auquel il a décidé de rendre visite, et qui s'avère un jeune homme vivant avec son mentor qui nie tout en bloc excipant de ce fait et de son homosexualité radicale.
Harold Pinter officie dans cet entre-deux qui sépare la vérité, l'affabulation et le mensonge, le réel et la réalité, le désir et le fantasme, sur fond de rapport de domination et de rituel érotique, ses thèmes récurrents.
Dans la scénographie déréalisée de Antoine Vasseur, deux appartements impersonnels juxtaposés, avec la traduction efficace de Olivier Cadiot et la collaboration de Sophie Engel pour la dramaturgie, Ludovic Lagarde opère une direction d'acteur au cordeau et une mise en scène virtuose des non-situations et des pseudo-conversations en forme interrogative qui constituent les pointes émergées d'un monumental iceberg de suppositions et d'hypothèses.
Et, avec un rythme lent, il use abondamment des silences, comme en musique, pour nouer une tension dramatique qui se dégonfle subitement telle une baudruche, comme il joue la carte de la déréalisation notamment avec la sonorisation des voix. Au jeu, un quatuor de comédiens émérites. Valérie Dashwood en femme-prétexte transparente, Mathieu Amalri en inquiétant dandy inverti, Laurent Poitrenaux en mari refoulé et Micha Lescot en obscur objet du désir. Magistral ! |