Fauré Requiem - Poulenc Figure humaine - Debussy Trois chansons
(Aparté / Harmonia Mundi) mars 2019
"Mon requiem a été composé pour rien… pour le plaisir, si j’ose dire… Peut-être ai-je ainsi, d’instinct cherché à sortir du convenu, voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue des services d’enterrement ! J’en ai par-dessus la tête. J’ai voulu faire autre chose (...) Mon Requiem, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi devant la mort. Quelqu’un l’a appelé une berceuse de la mort. Mais c’est ainsi que je ressens la mort, comme une délivrance heureuse, plutôt que comme un passage douloureux" Gabriel Fauré
"Francis je ne m’écoutais pas, Francis je te dois de m’entendre" Paul Éluard
Comment ne pas succomber à la désarmante beauté du Requiem de Fauré ?
Ce requiem fut composé peu de temps après les disparitions successives de ses parents. C’est une œuvre plutôt lumineuse, apaisée, offrant des moments d’introspection et de recueillement baignant dans une douce clarté, plusieurs fois remaniée et qui existe en différentes versions (une de 1893, dite "de chambre" et une de 1901, dite "symphonique", destinée aux salles de concert).
Fauré était-il vraiment croyant ? Dans tous les cas par ses activités, d’abord maître de chapelle puis organiste, à la paroisse de la Madeleine à Paris entre 1877 et 1905 il accompagne les offices. Il entrevoit l’idée de la composition d’un requiem dont l’écriture s’étale sur plusieurs années (1888-1900). Si la période correspond aux moments où Fauré perd son père (en 1885) puis sa mère (en 1887), il n’a pas été composé pour une intention particulière.
Le résultat est assez surprenant pour un Requiem plus lumineux que lugubre et réellement triste, même si le drame n’est jamais très loin. Chez Fauré point de Dies irae, mais un In paradisum. Fauré écrit son requiem pour chœur et orchestre avec une instrumentation déroutante. En effet, il ne comprend pas de violons, sauf un violon solo dans le Sanctus, ni de bois. Si l’apparente simplicité et la plasticité des lignes mélodiques attestent de son excellente connaissance du plain-chant, sa maîtrise des subtilités harmoniques jouant sur les climats rappelle son maître Saint-Saëns.
Avec cette très belle version nous sommes projetés immédiatement et avec gourmandise dans l’église de la Madeleine en 1893. L’ensemble Aedes et Les Siècles (décidément quel superbe orchestre !) sous la direction de Mathieu Romano offrent une version du requiem dans son orchestration originale, sur instruments d’époque, et avec prononciation du latin à la française. Les deux pièces qui accompagnent le requiem sont loin d’être anecdotiques. On retrouve une version pénétrant la profondeur ontologique et pleine d’expressivité de Figure Humaine, Cantate pour double chœur mixte a cappella sur des poèmes de Paul Éluard de Francis Poulenc.
Pour terminer, les Trois chansons de Charles d’Orléans de Claude Debussy dans leurs versions premières (de 1898), rarement interprétées. Au centre "Quand j’ai ouy le tabourin", pièce rajoutée avec la seconde version en 1908, rondeau d’apparence bucolique mais possédant une signification plus profonde : celui qui se met à distance, qui refuse de cueillir les fruits du printemps et préfère la mélancolie pourrait représenter le poète se mettant à l’écart du monde. Magnifique.