Un dimanche matin froid en février à Shoreditch, Londres. J’ai rendez-vous avec mon pote Angry Dan pour passer du temps avec lui pendant qu’il peint un mur à l'extérieur du pub le Griffin.
7 bonnes heures dehors, au soleil. Couleurs, music et passants, le tout ponctué d’arrêts techniques pour café, thé, snack, et j'avoue, une soupe.
J’y connais pas grand-chose au street art. J’aime l’art. Je suis membre de la Tate Modern mais mon show s’arrête là. Je n’ai pas étudié l’art et comme pour la musique, j'ai besoin de ressentir.
J’ai décidé d’écrire un article sur Angry Dan, pas parce que c'est un ami mais parce que je suis toujours touchée par ses œuvres. Il est extrêmement talentueux et plein d’esprit et le monde a besoin de le connaître !
J’aime la poésie. Je suis une snobe en musique. Alors naturellement, quand ce mec a lu ce poème lors du mariage auquel j’étais invitée il y a 5 ans, j’ai été ébahie et j’ai éprouvé le besoin désespéré de savoir qui l’avait écrit. Je n’avais pas réussi à lui parler lors du mariage mais les réseaux sociaux peuvent accomplir des miracles. Le poème avait été lu et écrit par Angry Dan. C'est là qu'est née notre amitié. Il écrit des poèmes, il dessine des poèmes.
J’ai découvert une forme de poème que je ne connaissais pas : les limericks (d’origine irlandaise comme le nom l’indique).
Il a commencé à en écrire il y a un bout de temps et comme il n'avait personne pour en faire des dessins il s'est mis à dessiner lui-même. Il les poste sur Instagram à un rythme quasiment quotidien et il a récemment commencé à les peindre sur les murs à la demande de certaines galeries d’art et associations. J’ai donc passé plusieurs heures à observer le travail en cours de la première goutte de couleur à la signature. Le tout en discutant et en écoutant de la (bonne) musique. Un vrai privilège. Après tout ça, des mots plutôt que des questions me sont venus en tête alors ceci n'est pas une interview mais des mots que je lui ai balancés et la relation qu'il a avec eux, dans ses propres mots :
Poésie
Angry Dan : J’aime les classiques quand je fais l’effort de m'y plonger mais je ne lis pas beaucoup de poésie sérieuse. Mes écrits ont tendance à tomber dans deux catégories : soit j’essaie de m’amuser moi-même, soit je dis exactement ce que je veux dire, de la manière la plus simple possible.
Limerick
Angry Dan : J’en écris en bus, en train, en bateau ou en avion. J’en écris en montagne ou en nageant dans la mer. J’en écris à la caisse des supermarchés ou pendant des réunions importantes. J’en écris beaucoup étant éveillé en pleine nuit et j’en écris en plus assis aux toilettes. Ils sont mes compagnons les plus fidèles.
Musique
Angry Dan : La musique est mon premier amour. Ma voix en tant qu’écrivain s’est développée en écrivant des ballades folks à la guitare et au piano.
Nick Drake
Angry Dan : J’ai vu une photo de Nick Drake dans un magazine quand j'avais 15 ans. J'ai acheté Way to Blue, la compilation d'introduction chez mon disquaire local et je l'écoute toujours depuis. Ses doigts et sa voix sont si puissants. Si j’essaie vraiment de décrire la manière dont sa musique me touche, je passerais pour un idiot sentimental.
Radiohead
Angry Dan : Ils ont tout.
Couleur
Angry Dan : Je suis daltonien donc j'ai une relation spéciale avec la couleur. Ça ne veut pas dire que j’apprécie moins la vue des couleurs mais je dois constamment demander aux gens de quelles couleurs les choses sont. C’est l’une des raisons pour lesquelles mon travail est si vif, car je peux mettre la saturation jusqu’à 100%. Comme ça je sais ce sur quoi je travaille.
Art
Angry Dan : Je me fiche un peu de savoir si les gens pensent que mon travail est de l'art. Je veux juste qu'ils le regardent et si ça leur plaît, alors c'est que ça a accompli ce que ça doit faire.
Art de Rue
Angry Dan : Travailler dans la rue est le moyen le plus efficace pour rendre mon travail visible. Quand on regarde une œuvre en ligne, il peut être bien difficile de savoir ce qu'on ressent réellement.
Mur
Angry Dan : Maintenant quand je marche dans la rue, j’analyse sans cesse la texture des surfaces et je repère des endroits éventuels où je pourrais peindre. C’est un peu comme être obsédé par le skateboard et voir la ville comme sa cour de récréation.
Mots
Angry Dan : Pour moi, tout commence par des mots. Que ce soit une peinture, un film, une chanson, ce sont des mots dans leur première incarnation.
Instagram
Angry Dan : C’est facile de laisser submerger.
Londres
Angry Dan : J’ai grandi dans un coin paumé à la campagne et j'ai déménagé à Londres à l'âge de 21 ans. C’était hallucinant. Je pense que les gens ont plus tendance à te laisser tomber et les relations paraissent plus transitoires mais ça donne l’occasion de se réinventer sans cesse, j’espère pour le mieux.
Peinture
Angry Dan : J’adore la sensation de présenter à un mur tôt le matin avec un sac plein de peintures et une moitié d'idée sur comment réaliser l’œuvre. Toute la journée je prends des décisions et résous les problèmes en essayant de pas faire trop de bordel. Je ressens maintenant la même urgence à peindre que quand je faisais de la musique électronique étant adolescent. Je n’avais pas ressenti ça depuis un bail.
Technique
Angry Dan : J’apprends encore sur les embouts et les pochoirs et comment les peintures différentes se comportent. Je rencontre toujours des gens sympas de ce milieu qui sont ravis de partager la richesse de leur savoir.
Ecole d’Art
Angry Dan : Je n’ai pas fait d’école d'art. En fait, je n’ai pas vraiment dessiné entre l’école primaire et il y a trois ans quand j’ai commencé à dessiner mes poèmes. C’est pour ça qu’ils sont ce qu’ils sont : je ne sais pas trop ce que je fais.
Travail
Angry Dan : Ma conscience professionnelle ne s’est jamais portée aussi bien.
Camden (quartier punk, rock de Londres)
Angry Dan : J’ai dormi sur un canapé à Camden Town pendant environ quatre mois en 2006. Je n'étais pas étudiant mais les gens qui vivaient là étaient pour la majorité à l'école St Martins, aux beaux-arts. Bien que ça a été une période courte, j'ai rencontré énormément de gens que je côtoie toujours aujourd’hui.
Shoredtich (quartier branché, hipster de Londres)
Angry Dan : J’ai travaillé à côté du rond-point de Old Street pendant 6 ans donc j’ai passé plus de temps à Shoretich que n’importe où ailleurs dans la capitale. C’est un mélange de créateurs, de galeries et de costumes de la city, et tu peux avoir une bonne vision des guerriers du week-end qui viennent d’ailleurs jute pour être bourrés. Beaucoup de gens se plaignent que ce sont des crétins mais tous ceux qui viennent me dire bonjour sont super gentils. C’est un endroit génial où peindre si tu veux être vu.
Progrès
Angry Dan : J’ai ce mantra pour être efficace. C'est "Ne pas ne pas le faire". Ça veut dire exactement ça. A chaque fois que tu te retrouves à ne pas faire ce que tu devrais faire, arrête tout et mets-toi au boulot.
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