Des gens qui ne se connaissent pas et pourraient s’apprécier qui se battent pour des gens qui se connaissent et ne s’apprécient pas. Une définition des conflits armés par des victimes collatérales. Des propos comportant tout ce qu’il y a d’injuste et de spécifiquement humain : la guerre.
Bernard Boulad, scénariste, s’entoure de Paul Bona et Gaël Henry pour retracer une partie de sa vie dans La guerre des autres – Rumeurs sur Beyrouth, pour se souvenir, pour ne pas oublier, pour rappeler que nous aurions pu faire autrement. "Mais parce qu’on avait décidé que ce ne serait pas notre guerre, on en est restés les spectateurs impassibles et impuissants."
L’album de bande dessinée retrace les prémisses de la guerre civile libanaise qui éclata en avril 1975 et perdura jusqu’en 1990. La famille Naggar, pétrie de culture occidentale, coule des jours paisibles à Beyrouth, frivoles et amoureux, ils vivent ensemble dans l’insouciance de leur quotidien ensoleillé. Un beau pays, des plages et des armes à feu, la famille Naggar ne cesse de répéter "Normal, on est au Liban", la vie continue.
Mais les intolérances soufflent un air hostile, les conflits politico-religieux dont les journaux font leur une se rapprochent lentement et sûrement de leur bulle de bonheur. Mais la vie continue. Les loups sont entrés dans Beyrouth. Mais la vie continue. Un couvre-feu est instauré. Mais la vie continue. On mate les films dans le canapé et on fume au balcon. La vie continue. Des quartiers sont bouclés. Mais la vie continue. Jusque quand ? Jusqu’où ?
"Il y a des fatalités implacables lorsque les croyances (ou les ignorances ?), l’orgueil et le désir de domination des hommes détruisent leur humanité. Encore l’œuvre de Dieu ? Il n’était pas censé pourtant combler le vide de l’existence celui-là ?"
Ignorance, naïveté, aveuglement ? Nous connaissons la suite de l’histoire, nous sommes en 2019, eux en 1975, l’envie de leur dire de se tirer de là tant qu’il en est encore temps nous démange. Et en même temps, transposons la situation dans notre cité, notre quartier, notre trou pommé, notre foyer. Je ferai comme eux, en me disant que la vie continue, que je ne vais pas me laisser abattre par des péquenots enivrés d’eau bénite.
"Demain, tout peut recommencer. On n’apprend rien mais on n’oublie jamais"
La guerre des autres – Rumeurs sur Beyrouth est un témoignage émouvant, il érige la culture contre les conflits, l’humour face à l’inéluctable. Cette guerre n’est pas la leur. Les circonstances font qu’elle le deviendra.
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