Après 5 ans d'absence et d'aventures en solo, Eiffel revient aujourd'hui avec Stupor Machine, clin d’œil à l'un de leurs premiers titres, en 1998.
"La machine à effroi". D'effroi, il en est bien question ici, comme un fil conducteur au fil de l'album, effroi face au présent, au futur, à l'état du monde, à la fin de l'humanité...
On commence en force avec Malika, échappée du "Big Data". La batterie ouvre le disque, rejointe par les guitares saturées et la voix puissante de Romain Humeau. A travers ce titre énergique et entraînant, Mad Malika nous emmène dans sa fuite des réseaux et de la société connectée. Un superbe titre pour nos retrouvailles avec Eiffel. On retrouve le "gros son" et l'énergie du groupe.
Le rythme se fait plus pop et chaloupé sur "Cascade", premier single du disque. On alterne entre couplets calmes et refrains plus teigneux.
"Manchurian Candidate" nous entraîne dans le projet MK Ultra de la CIA et la manipulation mentale. "Tu ne peux plus stopper la machine / A consentement et à effroi / Reprogrammé débilissime / Par les docteurs de l'MK Ultra". Un titre punk, court, inspiré par la nouvelle de Richard Condon, de 1959.
Changement total d'ambiance avec le nouveau single "Chasse Spleen", superbe chanson d'amour. Un très beau texte faisant un pied de nez au reste de l'album : une façon de dire, je t'aime malgré et contre tout le reste : "Le monde est fou / Bien moins que nous / … / A ces chiens fous / Qui toujours là où / Le Câlin des nuit s'échine / Trompent la mort / Et chassent Spleen".
De la même façon, "Chocho" nous permet de respirer un peu d'air frais dans la noirceur de l'album. Une échappée sensuelle...
Coup de gueule et coup de pied dans le tas avec le texte slammé et les grosses guitares de "Miragine".
Un autre est cette fois dirigé vers les dérives des religions avec le "punk-acoustique" de "Pécheur, pécheur" : "Au diable, tous ministères / Tout ordre et mafias / De m'en aller croire bien mieux que toi / Pécheur".
On se rassure face à la fin du monde avec "N'aie rien à craindre". Le titre ayant été écrit le jour de la mort du Thin White Duke, on entend "Heroes" de Bowie flotter sur l'intro piano / guitare et la voix de Romain. "Papa, Maman, frère, sœur / Et vous, amis de toujours / C'est peut-être l'heure / Des Melancholias, c'est peut-être pas loin le jour mais... / Naie rien à craindre, on reviendra millions / L'instant au bout des doigts / N'aie rien à craindre / Mon amour s'y love en roi". Un de mes titres préférés de l'album.
Une intro à la Gainsbourg pour "Hôtel borgne", où vient se poser un texte qui tire un constat dépité sur le monde : "Où va l'instant ? / D'où vient le vent ? / Et tout est-il perdu ? / On déambule dans des halls bizarres / Pour quelques onces / De vice et de vertu / La ville brûle, feu au cul les cigognes / Et chien d'Etat qui cogne / La puce au cou, quelqu'un voit pour toi / Que fait-on / Dans cet hôtel borgne ?". On retrouve l'alternance couples calmes et refrains plus musclés. Très beau titre.
On reste dans le même constat désespéré dans "Oui". Contre-pied et antidote au titre "A Tout Moment La Rue". "C'est pas la l'homme qui prend la mer / C'est la mort qui prend l'air / Quand de guerre lasse, le P'tit Prince / Trouve sa rose dégueulasse".
Retour à la fin du monde sur "Gravelines" : deux amoureux s'embrassant avant de mourir suite à l'explosion d'une centrale nucléaire. Une musique plus jazzy, assez épurée, planante. Une pensée à "Perfect Day" de Lou Reed.
Après la fuite de "Escampette" et son chant tendant un plus vers le hip-hop, arrive le "Terminus". Terminus dans tous les sens du terme : fin du disque, fin de l'aventure et fin du monde. Une chanson écrite en partant du principe que si Stupor Machine était le dernier disque d'Eiffel, ça serait un joli clin d’œil de finir avec le titre "Terminus". Une ballade qui résume le disque en entier : un constat sur la beauté du monde puis tout s'écroule et c'est la fin de tout. Jeter un dernier regard, profiter des derniers instants avant le fin du monde.
"Dieu que la vie est belle / Tu pourrais même t'y sentir immortel / … / Regarde un peu le monde où ton cœur bat / Fais tourner sept fois tes yeux ici, là-bas / Palpite encore la terre sous nos pas / Trois-deux-un soleil et adieu va".
Un titre magnifique qui nous laisse juste à espérer qu'il ne sera pas le dernier titre d'Eiffel.
On ne va tergiverser, c'est sûrement le meilleur album d'Eiffel. Un album cash, percutant, rentre-dedans. Rien à jeter, tout y est excellent : les textes, les mélodies, la musique et la cohérence du disque de début à la fin. On tient là un chef-d’œuvre ! Un album que l'on se prend en pleine tête et qui nous laisse un peu abasourdis après, tant par la noirceur des textes que par la musique.
S'il y a un disque à acheter cette année, ne cherchez plus, c'est celui-là ! Pour avoir vu quelques nouveaux titres en live, je peux vous assurer que la tournée va être belle, les nouveaux titres se mélangeant bien avec les anciens. Les dates sont déjà tombées, avec notamment La Cigale (déjà presque complète) le 14 novembre 2019.
# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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