Direction la Colombie avec le dernier ouvrage de Santiago Gamboa, Des Hommes en noir, publié aux éditions Métailié. Santiago Gamboa est une des voix les plus puissantes et originales de la littérature colombienne. Après presque 30 ans d’exil, en 2014, il revient en Colombie, à Cali, prend part au processus de paix entre les FARC et le gouvernement, et devient un redoutable chroniqueur. Il a aussi publié de nombreux romans et polars, traduits dans 17 langues et unanimement salués par la critique.
La première chose qui nous vient à l’esprit après avoir lu l’ouvrage de Santiago Gamboa est qu’il ne faut pas toujours faire confiance aux évangélistes. Ceux évoqués par l’auteur sont particulièrement louches, particulièrement puissants et organisés mais aussi violents.
Cette violence, un gamin perché dans un arbre en a été le témoin. Il a tout vu, trois véhicules aux vitres teintées attaquées à l’arme lourde puis une riposte, des hommes qui tombent sous des balles puis un hélicoptère qui évacue les passagers, deux femmes et un homme en noir. Le lendemain, la route a été nettoyée. Plus de cadavres, aucune trace de balles, un peu comme si rien ne s’était passé.
Comme le processus de paix a déjà eu des effets positifs sur le pays, le récit du gamin est pris au sérieux à Bogota par Edilson Jutsinamuy, le commissaire d’origine Indienne. Il demande de l’aide à une journaliste d’investigation, Julieta, qui part sur place avec son assistante Johana, une ex-guerillera des FARC.
Leur enquête va dévoiler une inquiétante histoire entre la Colombie, le Brésil et la Guyane française, au cœur des églises évangéliques qui ont pris possession de l’Amérique Latine. Au cœur de tout çà, une violence qui subsiste encore dans les bas-fonds de la société, des enfants perdus, les oubliés de la guerre civile qui en payent les pots cassés.
Le moins que l’on puisse dire après avoir découvert les écrits de Santiago Gamboa est que ce dernier s’avère être un formidable conteur d’histoires qu’il manie autour d’une plume mêlant ironie et humour. Son roman centré autour de la solitude d’enfants abandonnés par leur pays et la religion s’appuie sur une intrigue musclée et spirituelle. On y voit des églises évangéliques qui se confrontent, faites de personnes malintentionnées qui profitent du désespoir pour recruter leurs fidèles.
Le portrait que l’auteur dresse de son pays est loin d’être rose. Pauvreté, drogues, corruption et prostitution gangrènent la société colombienne. Les descriptions qu'il fait des paysages de son pays, de sa forêt luxuriante sont à l'opposé particulièrement soignées.
Le dernier ouvrage de Santiago Gamboa est donc une véritable découverte pour moi, un livre maîtrisé du début à la fin, construit autour de deux héroïnes attachantes gravitant dans un pays magnifique. Il est un super polar et en même temps un ouvrage à la dimension sociale indéniable. On ne s'ennuie pas une minute dans sa lecture et c'est bien là l'essentiel.
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