Trust in the Lifeforce of the Deep Mystery
(Impulse! Records) mars 2019
"Music is the healing of the Universe" Albert Ayler
"The Comet is Coming to destroy illusions. It will manifest new realities, perceptions, levels of awareness and abilities to coexist. It is a musical expression forged in the deep mystery. It is the overcoming of fear, the embracing of chaos, the peripheral sight that we might summon the fire. Through the transcendent experience of music we reconnect with the energy of the Lifeforce in hope of manifesting higher realities in new constructs. Because the end is only really the beginning."
Quel est le lien entre le jazz tribal de Sons Of Kemet, la musique tendue, mystérieuse aux racines africaines de Shabaka & The Ancestors et les envolées cosmiques de The Comet is Coming ? L’un des saxophonistes les plus intéressants du moment et l’un des moteurs de la nouvelle explosion du jazz au Royaume-Uni : Shabaka Hutchings (King Shabaka dans ce disque mais il n’usurpe pas ce nom...).
Il y a quelque chose, un lien qui traverse la musique du saxophoniste et quel que soit l’ensemble avec qui il joue. Bien sûr il y a une force (il faut absolument le voir jouer !) rythmique, harmonique et mélodique, mais également un lien ascensionnel : de la terre (des racines africaines et caribéennes) à l’espace (comme le fils spirituel de Sun Ra, d’Alice Coltrane, de Parliament et de l’afro-futurisme, mais le Mahavishnu Orchestra ou King Crimson sont également dans ce disque des influences). Chez Shabaka Hutchings, il y a un fantasme d’ailleurs, un désir sidéral mais une disposition à rester ancré dans le réel, dans ses propres racines, à ne pas échapper à ce réel. Pour autant, le saxophoniste dépasse la simple illusion de science-fiction, de spirituel cosmique pour parler d’émancipation du peuple noir, de réhabilitation et de réappropriation de ses racines.
Shabaka Hutchings et le duo Soccer 96 (Dan Leavers (aka Danalogue) et Max Hallett (aka Betamax)) unissent des esthétiques (jazz, grim, dubstep, funk…) et leurs forces (chacun s’appuyant sur l’autre le cœur groove de Betamax, le corps matière vibrante de Danalogue, l’esprit de Hutchings), comme une forme d’énergie transcendantale, pour une quête à la fois spirituelle, un travail sur le son, le timbre, les jeux de tension et de détente, la poésie revendicatrice ("Blood of the past" avec Kate Tempest), une façon de permettre à l’auditeur de se plonger dans cette musique comme à travers un vortex.
Honnêtement, on termine ce disque sur les genoux, à bout de souffle. Mais plus heureux qu’avant. "Because the end is only really the beginning"...