Laurent : Beauregard, vendredi. Deuxième jour. J'arrive en toute fin du set de We Hate You Please Die. Les deux chansons que j'entends me font regretter de ne pas être arrivé plus tôt. D'après nos amis du blog breton "Milouze en live", il s'agissait tout simplement du meilleur concert de la journée. Il faudra donc revenir sur le cas des Rouennais dans l'architecture des chansons rappelle les Thee Oh Sees.
Par contre, je ne rate pas une miette du concert de Fantastic Negrito. Fils d'immigrés somaliens, le natif d'Oakland a connu une première carrière sous le nom de Xavier. Repéré par Prince, il y a plus d'une vingtaine d'années, un grave accident de voiture le plonge dans le coma. À son réveil, il ne veut plus entendre parler de musique. Heureusement pour nous, il est revenu sur sa décision. Le concert qu'il a offert à Beauregard était un mélange explosif de blues et de funk, mâtiné de rap old-school. Et que dire des musiciens qui l'entourent si ce n'est qu'ils sont excellents. Le sosie d'Alex Vizorek à la guitare, un batteur puissant et un clavier très classieux. Fantastic Negrito a une présence folle en scène, qui n'est pas seulement due à son look. Quant aux aux messages de ses chansons, la prolifération des armes aux États-Unis ou les violences faites aux femmes, elles méritent aussi qu'on s'y attarde. Fantastic Negrito a été pour moi une immense découverte.
Pas facile pour Tamino d'imposer ses ambiances en milieu d'après-midi. La voix du Belge d'origine égyptienne est magnifique. Mais il ne semble pas particulièrement à l'aise dans son rapport avec le public. Je n'arrive pas à me laisser emporter par la poésie du jeune chanteur, mais le public assis dans l'herbe semble passer un bon moment.
David : Tamino a une voix époustouflante, aussi splendide en live que sur disque. Physiquement, on ne peut s’empêcher de penser à Jeff Buckley mais il manque encore le charisme permettant de faire chavirer un festival. C'est vrai que le cadre du festival en plein air n’est pas l’endroit le plus propice pour se faire happer et envoûter par la délicatesse de cette musique. En tout cas, Tamino a un bel avenir devant soi, car, rappelons-le, il n’a que 22 ans.
J'étais impatient de voir ensuite les belges de Balthazar, compte tenu de la qualité de leur dernier album. Aucune déception. On a bien été envahi par la "fever" de leur prestation solide.
Laurent : C'est peu de dire que j'attendais moi aussi Balthazar avec impatience. Le groupe est déjà venu à Beauregard, ainsi que les échappées solo de Maarten Devoldere (Warhaus), il y a 2 ans, et Jinte Deprez (J. Bernardt) l'année dernière. Si la setlist va piocher dans les quatre albums du groupe, ce sont quand même les morceaux du dernier album, Fever, qui se taillent la part du lion. Les deux leaders vont tour à tour chercher le public. En fin de set, le récent "Fever", avec sa puissante rythmique synthétique, agrippe le public pour ne plus lâcher. Encore un excellent concert de Balthazar qui sur scène ne nous a jamais déçus.
Je suis parti avec un a priori et une certaine appréhension au concert de Talisco. Le Bordelais a remplacé au pied-levé Snow Patrol, obligé d'annuler sa tournée en raison de problèmes de santé d'un de ses membres. Pour moi, Talisco est synonyme de musique de pub. Je le classe avec The Dø ou Lilly Wood and the Prick parmi les groupes un peu kleenex de l'Industrie du disque, pas forcément de leur fait d'ailleurs. Même si les chansons de Talisco me paraissent anecdotiques, je reconnais que les Bordelais semblent heureux d'être sur scène, communiquent bien avec le public. Tout cela n'est finalement déjà pas si mal.
David : Je suis d'accord avec toi. Le groupe était sincèrement heureux de jouer sur scène sa musique. Malheureusement, je suis resté totalement indifférent face à cette electro pop poussive.
Laurent : C'est ensuite Bernard Lavilliers qui vient donner un concert populaire, au bon sens du terme. Il mélange les rythmes reggae (il débute le concert avec "Stand The Ghetto"), afro-caraïbes, brésiliens et le rock. Après une première moitié du concert essentiellement consacré aux chansons de son album 5 Minutes Au Paradis, sorti en 2017, et donc on retiendra d'abord l'excellent "Croisières Méditerranéennes", il termine en enchaînant les tubes. Un bon concert populaire où on voit quelques jeunes sexagénaires encore vertes bousculer des petits jeunes pour s'approcher un peu plus de la scène. Il faut dire, qu'à 73 ans, Bernard Lavilliers porte encore bien. Quant à ses musiciens, ils allient puissance, technique et feeling. Bernard Lavilliers a montré qu'il était un artiste qui comptait, toujours ouvert, et toujours combatif.
David : Pour ma part, j'ai trouvé l'ouverture du set bien longue avec la version à rallonge de "Stand the ghetto" que nous a servi le Stéphanois. Il parlait beaucoup, a donné toute une explication sur la musique reggae, avant de présenter ses musiciens. La fin du set aussi m'a paru un peu curieuse puisque Lavilliers a quitté la scène sans un mot, peut-être pressé par le temps. Au milieu, on a eu une alternance d’anciennes et nouvelles chansons portées par une très belle voix et d'excellents musiciens.
Ensuite, Lomepal a répété à l’envi sa joie de jouer à Caen, et ça fait toujours plaisir. La difficulté est que son rap trop pop n’a aucune saveur. On est bien loin de NTM. Il s’agit probablement, comme pour Angèle, d’une différence de génération entre moi et le public visé.
Laurent : Je n'ai pas vraiment eu envie d'aller écouter la variété de Lomepal. Par contre, j'entends dire par les photographes qui reviennent du crash barrière, ainsi que par la sécurité, que c'est l'hécatombe dans les premiers rangs. Les gamines de 13 ans tombent comme des mouches. On est émotif à cet âge-là.
Les vieux sont déjà en place pour Suprême NTM. Ce n'est pas ma came, mais Kool Shen et Joey Starr envoient du lourd. On est surpris de retrouver DJ Pone, un ancien de Birdy Nam Nam, aux platines.
David : C'était LA prestation la plus attendue de la journée pour de nombreux festivaliers. Kool Shen et Joey Starr ont mis le feu. Le flow de Joey Starr était un peu essoufflé mais le duo dégageait une si belle énergie. La setlist était composée de leur principaux tubes repris en chœur par des fans quarantenaires mais aussi des plus jeunes. Et puis, de nombreux guests étaient conviés : notamment Lord Kossity, Busta Flex ou même pour raggasonic pour le titre qu'ils avaient fait en commun, "aiguisé comme une lame".
Pendant une heure, on est revenu à la genèse du hip-hop français du début des 90´s : des textes incisifs, une production soignée avec d’excellents samples (DJ Pone) et puis ce flow avec notamment la rage animale de JoeyStarr. NTM restera incontestablement le plus grand groupe de hip-hop français.
Laurent : Ensuite, l'ambiance techno de The Blaze a donné l'impression de vider le site.
David : Oui, d'ailleurs je suis aussi parti durant leur set sans attendre Etienne de Crécy.
Laurent : Donc The Blaze, c'est un peu "Les Lacs Du Connemara" pour un festival. |