Réalisé par Rebecca Zlotowski. France. Comédie dramatique. 1h32 (Sortie le 28 août 2019). Avec Mina Farid, Zahia Dehar, Benoît Magimel, Nuno Lopes, Clotilde Courau, Loubna Abidar et Lakdhar Dridi.
C'est sous le beau et chaud soleil cannois que Rebecca Zlotowski a situé "Une fille facile", un conte moral qui n'aurait pas déplu à Eric Rohmer.
On pense forcément à "La Collectionneuse", au "Rayon Vert" et même au "Genou de Claire". On pense aussi, présence de Zahia Dehar oblige, à "Et Dieu créa la femme" de Roger Vadim.
Précédée d'une réputation sulfureuse, la jeune fille à la plastique étonnante a, en effet, quelque chose de la juvénile Bardot. Sa grâce, sa gentillesse, son bon sens de belle fille faussement déguisée en aguicheuse, surprend d'emblée.
Un plan furtif sur le dessus de ses fesses résume sa philosophie : "Carpe diem", une philosophie qu'elle s'attache à appliquer sans ostentation et surtout sans aucune perversion. D'une voix étonnamment douce, elle explique à sa cousine, chez qui elle est venue passer quelques jours de vacances, le sens de sa vie de "fille facile". Elle le fait sans prosélytisme et avec une sincérité qui va au-delà du rôle qu'elle est censée incarner
Ici, Zahia s'appelle Sophia et l'on peut dire que Rebecca Zlotowski l'a bien nommée.
Comme chez Rohmer, la théorie, exprimée dans de longs bavardages, est suivie d'un exercice pratique. Sophia va donc montrer à Naima ce qu'elle est et ce qu'elle fait grâce à un séduisant et souriant milliardaire brésilien dont le yacht est en rade de Cannes.
Découvrant le luxe et en profitant un moment grâce à sa cousine, Naima, personnage que Mina Farid rend totalement crédible, ne va pas en avoir la même lecture. Ce qui va la fasciner, c'est l'ami du milliardaire, Philippe, rendu très convaincant par Benoît Magimel. Naima s'aperçoit très vite que lui aussi est "au travail" en "ami" intéressé du magna brésilien.
"Une fille facile" de Rebecca Zlotowski partage également avec le cinéma de Rohmer une très grande aisance dans l'utilisation des clichés.
Comme lui, elle est à mi-chemin de la Comtesse de Ségur (les deux cousines) et de Karl Marx (les riches et les pauvres) et n'hésite pas à montrer à la fois le bon côté du milliardaire qui chante avec une belle conviction "Dans mon île" d'Henri Salvador, et son très mauvais quand il accuse sciemment de vol les deux jeunes femmes.
Pareillement, Clotilde Courau, elle aussi interprétant une femme très riche, s'avère odieuse avec Zahia dans un repas où elle l'interroge sur son excès de chirurgie esthétique et teste ironiquement son QI.
Paradoxalement"Une fille facile" de Rebecca Zlotowski rappelle par l'exemple la persistance de la lutte des classes.
Au fond, et tout est déjà dans la citation de Pascal en exergue du film ("Le choix le plus important dans la vie est le choix d'un métier : le hasard en dispose"), "Une fille facile" de Rebecca Zlotowski est un "roman d'apprentissage" pour Naima.
Nonchalant, ensoleillé, ce récit bien mené, jamais vulgaire ni démonstratif, cerne bien l'époque contemporaine. Il y gronde une colère toujours latente contre les riches et, sentiment plus nouveau et plus dangereux, un dédain (que l'on lit dans les yeux du personnel du grand restaurant) pour tout ce qu'ils représentent.
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