Réalisé par Jean-François Laguionie. France. Animation. 1h07 (Sortie 6 février 1985)
S'il était Japonais, Jean-François Laguionie aurait été nommé "trésor national". Après Ladislas Starevitch et Paul Grimault, il a contribué à la distinction entre "dessin animé" et film d'animation".
Ses courts-métrages et "Gwen et le livre de sable", son premier long-métrage, sont en effet autre chose que des "cartoons", loin aussi, très loin, de l'état d'esprit de Walt Disney. A tel point qu'une fois encore, il faut dire aux parents de jeunes enfants qu'il vaut mieux attendre qu'ils atteignent au moins 7 ou 8 ans pour, en les prévenant qu'il n'y aura pas de gags ni d'effets spéciaux, les emmener voir "Gwen".
Tout de suite, dès les premiers plans, on découvre une image qui est presque un monochrome à la gouache, une image où domine le bleu et qui laisse apparaître quelques longues traces noires qui tremblent, désignant une espèce de végétal ou d'arbre en train de s'agiter sous l'effet d'un fort vent.
Il faudra d'ailleurs quelques minutes avant qu'on découvre les premiers personnages d'essence humaine.
Tout ici est minimaliste et poétique. Rien que d'entendre la voix de Michel Robin qui conte cette histoire dire d'emblée "on oublie vite les légendes" et l'on sait qu'on n'aura bien sûr pas la 3D et point non plus d'animation frénétique.
En échange, on entrera peu à peu dans un univers pas commun, où des hommes du désert marchent sur des échasses, traquent des autruches dont leur peuple consomme les plumes.
Dans cette époque futuriste, où il est dit que les Dieux ont disparu, on suivra particulièrement une femme de 173 ans amie d'une adolescente qui donne son prénom au film. Car, comme souvent dans la SF à la française, le héros quitte son monde, un monde d'apparence, pour tenter d'en rejoindre un autre, celui-ci étant le vrai, le prosaïque...
On se doute bien vite que l'héroïne n'aura de cesse que de revenir là où elle est née, parmi les derniers hommes à connaître une certaine liberté, payée certes au prix d'une existence dure et frugale.
"Gwen et le livre de sable" de Jean-François Laguionie est le premier chaînon qui va conduire l'animation française vers une place de choix dans l'animation mondiale. Le film annonce les futurs chefs-d'oeuvre de Laguionie lui-même ( "L'île de Black Mor", "Le Tableau") et a incontestablement influencé toute la production magnifique de Michel Ocelot.
Dans "Gwen", on n'est pas simplement dans un film d'animation mais dans quelque chose qui s'apparente à un rêve.
Cela ne dure qu'une heure, mais c'est une heure vraiment inoubliable.
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